LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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THE UNDERGROUND RAILROAD, racines

Série     Drame     Violence      Poésie
Barry Jenkins

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Douleurs et splendeurs.

The Underground Railroad est un choc émotionnel autant qu'esthétique.

 

Prenant racine sur l'histoire vraie du réseau clandestin de sentiers et routes secrètes qui permit à des milliers d'esclaves noirs de fuir les plantations du sud au milieu du 19ème siècle, l'histoire de la fuite, ou plutôt l'éprouvant chemin de douleur, de la jeune Cora s'appuie sur le roman éponyme de Colson Whitehead paru en 2016 et lauréat du prix Pulitzer. Une base solide et un thème universel précieux au coeur du réalisateur de Moonlight Barry Jenkins. Tribut aux ancêtres, il décida de l'adapter à l'écran avec cette idée hautement cinématographique d'une relecture fantasmatique de ce "chemin de la liberté" prenant la forme d'un train souterrain.  Représentation d'un voyage au bout de la nuit, d'une marche à l'aveugle, mais également symbole d'un espoir fou et d'une machine annonciatrice des progrès à venir. Et c'est grâce au soutient de la boite de production de Brad Pitt, Plan B Entertainment, et Amazon Prime que ce projet titanesque a pu voir le jour. Soit près de 10 heures de film intégralement mis en scène par le réalisateur avec la complicité artistique de son chef-op attitré James Laxton. Un travail colossal abattu en (seulement) sept mois de tournage.

 

Et le résultat vaut le coup d'oeil. C'est très beau. Vraiment.

Visuellement Jenkins et Laxton se placent dans les pas et à la hauteur du Twelve Years a Slave de Steve McQueen. Le travail sur la photographie est assez exceptionnel pour une production télé, mais il y a déjà quelques années que les séries tutoient l'exigence du grand écran. Même si cette recherche esthétique flirte parfois avec le formalisme il m'est difficile de critiquer une ambition visuelle aussi affirmée. Ce parcours initiatique au coeur des ténèbres a le bon goût de travailler le paradoxe en exhaltant contrastes, lumières et couleurs. Flamboyance surexposée des scènes de jour, opacité protectrice des scènes nocturnes et des échappées ferroviaires. Les tableaux se succèdent et s'impriment durablement sur la rétine. Sur la forme, The Underground... est une oeuvre d'art. Tournée en 4K natif, l'achat en blu-ray s'imposera pour toutes celles et ceux qui succomberont à cette version d' "Alice au pays des horreurs"À cela s'ajoute, notamment lors de séquence de train, un travail sur le son totalement immersif et une partition musicale hypnotique signée Nicholas Britell, déjà à l'oeuvre sur les précédents films de Jenkins et sur Twelve Years ... Des références, du beau monde et de la belle ouvrage.

 

 

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Sur le fond, le récit, même nimbé d'instants d'une poésie bouleversante et consolatrice, expose une violence physique et morale parfois insoutenable. Le premier épisode condensant à lui seul toutes les humiliations et tortures pratiquées à l'ombre des somptueuses propriétés sudistes. Les épisodes suivants ne sont pas en reste. Et dix heures de souffrance ça peut paraître long. Même si ce n'était pas l'intention de Jenkins, le spectacle peut même sembler complaisant dans ces sursauts de barbarie. Mais la cruauté du spectacle résulte aussi d'une volonté évidente de signer une oeuvre définitive sur l'horreur de l'esclavage. Faut-il tempérer le spectacle de ce crime contre l'humanité pour le rendre accessible à une plus large audience?

L'art doit-il être poli lorsqu'il s'agit de traduire l'innommable?

Débat éternel. On peut essayer de trancher en affirmant que l'art se doit rester un terrain d'expérimentation d'une totale liberté, quels que soient ses excès et boursouflures. The Underground Railroad interroge sans cesse notre humanité comme son absence, fouille jusqu'aux racines du mal, mais toujours à l'aune d'une distance artistique tout aussi radicale qui fait que ce spectacle, même dans ses "étirements" scénaristiques (les dix heures étaient-elles nécessaires?) n'a jamais cessé de me fasciner. Tout traduit l'engagement absolu du cinéaste à conduire son projet "à sa manière" et avec un soin admirable. Je pense à l'épisode 5, "Exode", qui dans un décor funèbre de nature incendiée convoque l'imagerie de La Route, chef d'oeuvre macabre de John Hillcoat adapté du roman nihiliste de Cormac McCarthy sur la fin de l'humanité.

 

 

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Et puis cette douloureuse épopée ou odyssée est portée par une distribution tout aussi magnétique. Un casting constitué d'anonymes, révélations et têtes d'affiches. Citons d'emblée, dans le premier rôle, la jeune Thuso Mbedu dont l'expression dessine à elle seule l'effroi, l'oppression autant que la détermination. L'actrice incarne le personnage-symbole de Cora d'une manière presque abstraite. Une dissonance qui traduit aussi la bascule en "mode survie" où le corps et l'esprit se déconnectent. Seul son sourire éclatant, dans les brefs moments de paix, enflamme alors l'écran, ramène sa part d'humanité sacrifiée et cette vision alors nous achève.

À ses côtés nous croisons de grandes figures comme Joel Edgerton (Warrior, Midnight Special, Loving) et Peter Mullan (My Name is Joe, Tyrannosaur) mais aussi, je l'évoquais, de véritables révélations comme le petit Chase Dillon, prodigieux enfant acteur campant l'ombre complice du chasseur d'esclave joué par Edgerton. La maturité et l'autorité de son regard me resteront longtemps en mémoire. Citons Sheila Atim, dans le rôle de la mère de Cora, à qui le dernier épisode dévoile l'ampleur de son talent et de son charisme. Question charisme j'ai également découvert William Jackson Harper et Aaron Pierre, deux vrais gueules de cinoche qui en imposent.

 

Rage, fureur et poésie.

Sur plusieurs plans The underground Railroad est une série d'une ambition incroyable  et même si j'aurais volontiers coupé ici et là ce que j'ai ressenti comme des longueurs je ne peux que saluer ce spectacle unique qui se détache loin au dessus du tout-venant. Oeuvre nécessaire qui nous rappelle à quel point l'horreur marche toujours dans les pas de l'Histoire. Constat d'un monde sans rédemption, ferment de haine aux crimes impardonnables. Seuls l'empathie, le courage d'une poignée de Justes et l'endurance au malheur garantissent la survie des opprimés.

 

 

 

Francisco, 

 

 

 

   

 


 

 

  

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2021

 

10 épisodes entre 20mn et 1h15

 

L'image       Tournée en 4K natif et masterisée telle quelle, l'espoir d'un transfert Blu-ray peut faire rêver. Même le flux VOD dévoile les splendeurs de ce terrible spectacle. Contrastes et couleurs composent des tableaux immédiatement iconiques.

 

 

Stars:

 Thuso MbeduChase DillonJoel Edgerton  | See full cast & crew »

Series Directed by 

 

Barry Jenkins ... (10 episodes, 2021)

 

Series Writing Credits  

 

Jihan Crowther ... (staff writer) (10 episodes, 2021)
Jihan Crowther ... (written by) (10 episodes, 2021)
Colson Whitehead ... (book) (10 episodes, 2021)
Barry Jenkins ... (teleplay) (4 episodes, 2021)
Jacqueline Hoyt ... (teleplay) (3 episodes, 2021)
Nathan Parker ... (teleplay) (3 episodes, 2021)
Allison Davis ... (teleplay) (1 episode, 2021)
Adrienne Rush ...

(Writer) (1 episode, 2021)

 

Full cast & crew

  

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07/06/2021
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