LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

THE FABELMANS, art is no game !

Chronique familiale    Drame       

Steven Spielberg

***** 
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Grand "petit" film.
C'est sur un mode (en apparence) mineur, avec distance, sobriété et une profonde humilité, que le géant du cinéma qu'est Steven Spielberg nous offre ce gracieux bouquet de souvenirs composé au jardin de son enfance.
Quel fabuleux début d'année 2023 où les géants du cinoche reviennent illuminer les salles pour des leçons de nostalgie particulièrement inspirées. Hier James Gray avec Armageddon Time et cette semaine Sam Mendes avec Empire of Light. Faut'il s'en réjouir? Peut-être est-ce le signe que notre époque gavée d'images jusqu'à la stérilité peine à nourrir l'inspiration et l'élan poétique des grands illustrateurs de notre temps.
 
Sans partition musicale débridée, John Williams tout en discrétion, ni imposants et ambitieux  mouvements de caméra mais le tout divinement éclairé, le fidèle chef-op Janusz Kaminski est toujours au sommet de son art, le réalisateur, génial inventeur du blockbuster d'auteur, Roi Lion du cinéma populaire le plus noble, nous parle bien sûr de cinéma mais avant tout de passion, d'amour de l'art, de famille, d'engagement et de sacrifice, comme pour mieux dévoiler la puissance miraculeuse de la fiction au coeur de cet océan d'émotions intenses et souvent contradictoires qui font de la vie ce grand roman ivre que l'on referme les pieds devant. 
 
Spielberg nous ouvre le sien avec une maîtrise et un sens du découpage propre aux plus grands maîtres du septième art. Pas une séquence ni un plan de trop. Une (apparente) simplicité au service d'une fluidité exemplaire. Une mise à distance "idéale" au service d'une écriture d'une délicatesse rare défendue par une dentelle de casting. Saluons ces jeunes acteurs interprétant Sammy de l'enfance à l'adolescence. Chapeau bas à Paul Dano et Michelle Williams tout en justesse dans les rôles d'un père apôtre de la raison et d'une mère icône de la passion. 
Résultat : les deux heures trente passent comme un songe.
 
 
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À l'image d'un Bergman (oui, j'assume ici la comparaison) nous révèlant les racines de son art en mettant en scène ses souvenirs d'enfance dans son chef-d'oeuvre Fanny et Alexandre le réalisateur capable de nous livrer la même année (1993) Jurassic Park et La Liste de Schindler nous dévoile les blessures comme les enchantements qui ont conduit l'enfant, l'adolescent puis le futur jeune prodige à puiser maitrise, plaisir et consolation dans l'accomplissement de son métier de cinéaste.
À mille lieues d'un vulgaire ego-trip qui aurait conduit le spectateur à assister aux débuts fracassants puis à la carrière incroyablement prolifique de ce magicien du cinéma  à grand spectacle, Steven Spielberg nous offre une oeuvre sur la genèse d'une incurable addiction à la création. Un retour aux sources de l'inspiration et aux temps magiques de l'initiation, à l'humanisme réconfortant. Une messe de l'enfance où résonne un discours universel. Qu'est-ce qui nous dessine et nous anime? À quels sacrifices se paye la passion? À quel prix devient-on un artiste? Jusqu'où s'engager?
 
Sous son apparence de chronique familiale entre tragédie et feel-good movie, The Fabelmans est une lettre d'amour à ceux qui s'engagent comme à ceux qui soutiennent l'art. Mais sans mièvrerie, ni idolâtrie béate et avec ces touches d'humour délicieuses qui signent l'élégance absolue de ce bijou de film.
Dès la séquence d'ouverture, Spielberg nous rappelle que le cinéma ne repose que sur l'illusion. Le film se hisse donc bien au niveau de la fable. Ou comment la fiction s'affirme comme révélateur des mensonges et vérités d'une réalité chaotique et souvent trompeuse. À l'image de l'ensemble de cet admirable métrage qui sous la perfection formelle laisse transpirer le drame en permanence, où la vérité la plus douloureuse éclate entre deux éclats de rires. À l'image de la merveilleuse Michelle Williams dans le rôle de la mère qui sous chaque rire et sourire laisse affleurer les larmes. Elle incarne bien la figure tutélaire de cette oeuvre dédiée au houleux mariage entre liberté et création. Artiste contrariée, elle soutiendra sans jamais faillir les aspirations de son fils à vouer sa vie au cinéma. Une figure maternelle inspirante, aussi fragile que protectrice qui hante nombre de films et productions du cinéma de Spielberg (Intelligence Artificielle, Arrête-moi su tu peux).
N'oublions pas non plus, sur le thème de l'engagement en art, la savoureuse et émouvante séquence entre Sammy et l'oncle Boris, "l'artiste maudit" de la famille. Apparition marquante, incarnée royalement par le truculent Judd Hirsch lui même vieux routard du cinoche depuis les années 70, apparaissant au coeur du film pour délivrer cette fabuleuse tirade :
 
Art will give you crowns in heaven and laurels on Earth, but also, it will tear your heart out and leave you lonely. You'll be a shanda for your loved ones. An exile in the desert. A gypsy. Art is no game! Art is dangerous as a lion's mouth. It'll bite your head off.
 
 
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D'une illusion des apparences masquant le chaos fondamental de l'existence à l'aspiration à la maîtrise. Ce principe et ce mouvement vont façonner le parcours du futur cinéaste. Mais cette inclination à redessiner un réel instable ne définit-elle pas le ressort premier de toute création?
 
The Fabelmans pourrait fait figure d'oeuvre testament mais la soif de cinéma de Spielberg est telle que ce label serait réducteur tant la production de cet ogre de cinéma échappe à toute classification. Des Dents de la Mer à Indiana Jones, de Munich à Minority Report, de Lincoln à E.T. , des Aventures de Tintin à Il Faut Sauver le Soldat Ryan, de Pentagon Papers à La Couleur Pourpre jusqu'à son virtuose remake de West Side Story, Steven Spielberg a embrassé tous les genres et techniques du septième art comme tous les paysages et les enjeux de la condition humaine sur les ailes d'un sens du spectacle et d'une science du divertissement confinant au génie.
Un appétit de cinéma démesuré qui déroule aujourd'hui un CV d'une trentaine de films à grand spectacle à l'éclectisme quasi surnaturel. Sur ce plan Spielberg est unique et l'on ne peut le comparer qu'aux géants du passé, en se replongeant dans les filmographies généreuses d'Hitchcock ou David Lean. Spielberg est à lui seul un phénomène, un courant et un mouvement cinématographique.
Celui qui, au début des années 70, avec un camion traquant  une voiture puis un requin mangeur d'homme, naviguant sur les écrans aux côtés de Francis Ford Coppola et George Lucas, a bouleversé les codes et les règles du cinéma américain. Pour le meilleur et aussi pour le pire. Ses blockbusters ont tous un coeur et un cerveau, certains de ses successeurs ont conservé les effets et l'efficacité sans y mettre une once d'âme.
On pourrait presque lire dans la sobriété d'effets de The Fabelmans une forme de mea-culpa en retournant ainsi aux fondamentaux du spectacle cinématographique. Une caméra posé au bon endroit, à hauteur d'homme et au service de grands comédiens bien éclairés. 
 
Le seul univers que spielberg aura frôlé sans jamais y entrer est le western.
Comme si son admiration absolue pour John Ford l'en avait empêché. D'ailleurs, Spielberg termine son film sur une rencontre entre l'apprenti cinéaste et le réalisateur légendaire de L'Homme qui tua Liberty Valance et de La Prisonnière du Désert. Une figure dans laquelle s'est glissé avec onction un David Lynch méconnaissable se délectant de ce magnifique caméo. La mise en application de ses conseils au futur prodige s'appliquera sur le dernier plan. Un mouvement de rectification d'une drôlerie irrésistible et totalement libératrice après deux heures trente de travail au plus près du coeur.
Que d'émotions et quel film !!!
 
 

 

 Francisco,
 
 
 
 
 
 
 
 

Quelques mots de Fabienne 

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Jubilatoire ce film...
avec d'excellents acteurs, en particulier Paul Dano(en père rangé, mais voulant le bonheur de sa famille ) et Michelle Williams(en mère névrotique, mais fantasque ). Quant au jeune acteur interprétant Spielberg, il est parfait pour la ressemblance physique et le jeu habité.
Ce qui en ressort surtout, c'est la passion indéfectible de Spielberg pour le cinéma dès son plus jeune âge, incité en cela par une famille chaotique, déjantée... mais aimante et motivante.
Sans oublier la présence frappante de David Lynch en John Ford, avec cache sur l'oeil et cigare coupé...et sa première leçon de cinéma au jeune Spielberg postulant comme assistant : l'horizon dans un plan doit se trouver en haut ou en bas, jamais au milieu. John Ford, dont les affiches de films décorent son bureau, était justement le modèle absolu du jeune homme, mimant des scènes de westerns dans ses petits tournages familiaux.
 
 
 
 
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2022

 

2h30

 

Le Blu-ray         Petite merveille de finesse. Photographie totalement sublimée. Noirs, contrastes et couleurs à la fête. Texture et matières réjouissantes. Le plus bel écrin possible pour cette émouvante lettre d'amour au cinoche.

 

Directed by 

Steven Spielberg

Writing Credits  

Steven Spielberg ... (written by) &
Tony Kushner ... (written by)

Cast (in credits order) complete, awaiting verification  

Michelle Williams Michelle Williams ... Mitzi Fabelman
Paul Dano Paul Dano ... Burt Fabelman
Seth Rogen Seth Rogen ... Bennie Loewy
Gabriel LaBelle Gabriel LaBelle ... Sammy Fabelman
 
 
 
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04/03/2023
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