LES CHRONIQUES DE FRANCISCO

Road-movie ultime

Wim Wenders

*****

- And when the sun went down, he ran again. For five days he ran like this until every sign of man had disappeared.

Inoubliable Paris,Texas.

J'ai épousé instantanément chaque personnage, chaque plan.

Une atmosphère mélancolique qui me happe à chaque nouvelle vision. Histoire d'une passion dévastatrice. Un homme, une femme, un enfant pour un conte universel. Le silence règne sur la première partie du film. Seuls la route et les paysages le comble. Et les images prennent de l'altitude. Les séquences les plus anodines ressemblent à la vie. Quitter la ligne de fuite d'une voie ferrée, regarder décoller les avions, faire la vaisselle au coeur de la nuit en fredonnant des comptines mexicaines, regarder défiler des souvenirs en super-8 à vous crever le coeur... 

Les mots de Shepard et la grâce élégiaque de la mise en scène de Wim Wenders au zénith de son inspiration illuminent ce grand poème mélancolique. Miracle de cinéma. Lorsque l'âme et le coeur du spectateur vibrent à chaque plan. Il est difficile pour moi de décrire ce que j'ai vécu en découvrant à 17 ans cette oeuvre qui m'a instantanément transformé en amoureux fou des films (et de la vie).

La photographie du fidèle Robby Müller aligne un lot impressionnant de tableaux d'une Amérique aujourd'hui disparue. Une simple arrivée dans un motel de bord de route sous un crépuscule pluvieux ressemble à une épiphanie. C'est le visage d'une route fantôme, encore accrochée aux errances hallucinées du Kerouac d'On the Road. Autant d'instantanés habités de toute la poésie des Highways. J'ai encore le sentiment aujourd'hui de n'avoir jamais échappé aux filets de cette balade magique.

Impossible d'oublier le visage instantanément mythique d'Harry Dean Stanton (Alien, La ligne verte, Missouri Breaks, Luke la main froide) l'homme aux 200 films ! Formidable second couteau du cinéma américain depuis ses débuts dans les séries télé américaines à la fin des années cinquante. Acteur aspirant à la discrétion,  il était né pour ce rôle. Celui d'un homme qui s'efface puis... revient. Travis for Ever. L'apparition de Nastassja Kinski continue de me bouleverser. D'une beauté presque surréaliste. Ange sensible et fragile.

Coté technique, le transfert Blu-ray est un régal. Respect du grain d'origine et de l'aspect argentique, contrastes sublimés, détails multipliés, totale redécouverte des couleurs d'origine... Que dire du son. La musique de Ry Cooder fait le tour de votre salon et vous embarque aussitôt... Merci Arte vidéo! Le plus beau des road-movies est enfin présenté dans des conditions absolument optimales. De quoi être jaloux de ceux qui vont avoir la chance de le découvrir ainsi pour la première fois. Après ce film Wenders ne pouvait que tutoyer les anges.

Ce qu'il fit, trois ans plus tard, avec "Les Ailes du Désir "

Aujourd'hui Paris, Texas a (37) ans. Harry Dean Stanton, Dean Stockwell, Sam Shepard ont quitté la scène. Nastassja Kinski est invisible. Le petit Hunter Carson est un bon père de famille de 43 ans et Wim Wenders ne brille plus que dans le doc. Seule résiste la magie de ce film miraculeux. Même si elle serre le coeur parce que ces sublimes images portent la marque des années. Elles peineront à séduire les plus jeunes sachant que ce monde là a disparu.

C'était un autre temps.

Un temps où les seuls écrans qui animaient les foules était celui du cinoche ou du salon.

Un temps où le vacarme ne faisait pas loi.

Un temps où l'on pouvait encore disparaitre

rouler des heures sans recevoir un appel

puis revenir en poète

avec des silences en or.

 Francisco,

   The Beauty Of

Éternels