LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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LES FRÈRES SISTERS, regarde les hommes tomber

Western

Jacques Audiard 

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Défendre une once d'humanité et une petite part d'amour fragile dans ce monde ignoble et cruel. C'est ma petite phrase à moi pour résumer l'oeuvre du plus grand réalisateur français en exercice (avec Gaspard Noé) Et quel meilleur décor que l'Ouest Sauvage pour illustrer cette maxime. 

 

Yes, ça fait une paye que je le sentais venir, le western, chez Jacques Audiard. Son Far-West est celui de la ruée vers l'or, au coeur du 19ème quand la seule loi de plein exercice était celle des colts. 

Alors on tue, les cadavres s'empilent et le décor est bien là avec quelques plans-clin-d'oeil de galop sur ciel embrasé, de la boue et des montagnes aux rivières charriant l'or et emportant les rêves d'aventuriers paumés et autres damnés de la terre. Mais le tout sans grandiloquence. Tout ça reste à hauteur d'homme. Un bon western désenchanté avançant avec cette forme de nonchalance crépusculaire propre aux relectures seventies. Une forme de langueur dans le crime. À l'image des frangins abattant leurs cibles avec détachement, voir lassitude.

Amateurs de fusillades passez votre chemin, on est ici dans le refus du spectaculaire, même si l'authenticité et la patine des décors et costumes sont un régal pour les yeux. Une direction artistique magistrale royalement défendue par la photographie du chef-op surdoué et visionnaire Benoît Debie. La seule concession fidèle au genre étant la partition musicale Morriconienne d'Alexandre Desplat.

Pour en revenir à la "routine criminelle", ces guns-fight "à distance" avec la mort hors-champ ou au second plan, résume l'esprit de ce film. L'impasse et la  mélancolie de la violence. Un point de vue "déceptif" pour les amoureux du genre totalement ignorée par une bande-annonce Tarantinesque qui précipita l'échec du film en salles. Un contre-sens absolu, commercialement suicidaire et incompréhensible puisqu'une bande-annonce contemplative n'a jamais fait fuir les vrais cinévores.

Aujourd'hui la phase promotionnelle oubliée, je vous incite violemment à voir ou revoir ce film (je m'adresse particulièrement aux déçus de la première séance.) Je reste persuadé que dans dix ou vingt ans on reverra ce film drapé du statut d'oeuvre culte.

 

Ok, je reconnais qu'à la première vision, ça peut déconcerter. 

Le rythme du film ne racole jamais. Il avance comme un road-movie avec cette liberté du "pas de côté, des petits accidents, de l'anodin". En cela Les Frères Sisters appartient à la catégorie, trop rare, des films qui se bonifient au fil des re-visions. Mitigé la première fois, séduit la seconde et emballé à ma troisième séance, je fus. Oubliez le western, savourez la peinture des personnages. Car ce pari risqué de l'inattendu comme de l'ordinaire au coeur d'un genre ultra-hollywoodien ne fonctionne que lorsqu'il est défendu par des acteurs dignes de ce nom. 

Touché! le quatuor est épatant.

 

 

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Je ne vais pas vous vanter pendant trois plombes, une fois encore, l'intensité de Joaquin Phoenix, la fièvre de Gyllenhaal ou le charisme de Riz Ahmed (dont le talent a explosé dans la formidable série The Night Of) jeune acteur en pleine ascension à qui l'honneur revient de lancer, au centre du film, LA phrase déterminante, façon Colonel Kurtz"This world is an abomination... abomination...". Parce qu'il faut reconnaitre que tout cela est âpre et violent (sans pour autant être d'accord avec les critiques ayant qualifié ce parcours de "nihiliste"). Non, je vais juste insister sur la profonde humanité de John C. Reilly qui trouve ici son plus grand rôle depuis Magnolia de Paul Thomas Anderson. Il est formidable et bouffe l'écran. Sa présence massive mariée à la fine dentelle de son jeu mettent en avant toute la raison d'être de ce lent film d'amour dysfonctionnel et fraternel.

Les Frères Sisters est d'abord un drame sur fond de Wild West et de fièvre de l'or. Reilly est le centre de gravité de ce film. Jusqu'à un certain point. Car le chaos triomphe. Pour nourrir la bête il faut bien que tout dérape et ce métrage "bien habité" mord alors à belle dents dans la matière première du western. On veut gagner plus, on cultive des ambitions illusoires, on galope, on gueule et on flingue sans état d'âme. Alors même si l'espoir, certes, est bien maigrichon, le final, tendre et poétique à souhait, confirme que le film est tout sauf nihiliste.

 

 

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Les Frères Sisters ont du coeur et prennent bien la lumière.

La poésie du tragique est toujours là. Celle de la complicité au coin du feu, de la blaguounette qui sert le coeur, du sursaut d'humanité, des amitiés fugaces, d'une passion fantôme et de l'amour increvable entre frangins.

Tableaux touchants travaillés dans la patine d'une photographie toute en matière signé du chef-op de Noé, Benoît Debie. Et le tout reste au dessus du sol grâce aussi à ce puissant courant d'humour, histoire de ne pas dégringoler dans le pathos ou pleurnicher bêtement, les deux pieds dans le drame humide. Ainsi Audiard peut se targuer de signer avec panache une scène de western totalement inédite: La découverte de la brosse à dents.

 

Les plumes d'Audiard et Thomas Bidegain se croisent depuis De Battre mon Coeur ... Elles savent écrire les choses les plus profondes sans avoir l'air d'y toucher. Nous conduire en enfer puis nous ramener chez maman sur le fil du conte. Sans gros sabots et quelques touches d'humour bienvenues. Une manière de rester à bonne distance. 

S'offrir de l'espace, faire le plein de bonnes cartouches, bien viser et assumer le recul, c'est capital quand on veut percevoir l'écho et suivre les traces des inoubliables cow-boys mélancoliques de Ford, Peckinpah ou Eastwood.

La délicatesse du toucher assure la justesse du shoot. La beauté du geste. 

Suprême élégance de ce western qui avance comme un lent fleuve sauvage... digne cousin du récent True Grit

 

 

 

Francisco,

 

 

 

 

 

L'avis des membres

 

 

 Marian-o   

 

" Quelle déception ce film ! Un casting fabuleux... mais pour quelle Histoire ? Des dialogues parfois, souvent inutiles et inintéressants... Zzzzz... soporifique. Une mise en scène superbe, photo excellente, ce film est vraiment très beau, ça... c'est top. Mais pour faire quoi avec ?Le film ne suscite que peu d'intérêt... voir aucun. Limite ça m'a énervé la première heure ! Même s’il y a quelques très rares bons moments, je trouve quand même que ces « Frères Sisters » font un peu coquille vide.

Ce n'est pas parce que c'est Audiard qu'il faut crier au chef d'oeuvre. Je suis triste d'être déçu par ce film qui promettait beaucoup."

 

 

Thierry

 

" Film singulier, habité de quelques fulgurances, comme celles assez rares qui m'importent vraiment, quand ces êtres humains, notamment le "chimiste", entre-aperçoivent de manière fugace mais bien réelle ce que pourrait et devrait être la vie réelle, sérieuse et inspirée, celle qui parle d'un rêve de démocratie, mais bien au-delà, cette respiration ouverte du coeur touché par la beauté de la nature toute illuminante. À la recherche anté-diluvienne de l'or, celui que certains comprendront au fil des siècles et des millénaires comme étant en fait cet or de la vie joyeuse qui se cache au coeur du coeur de l'être humain, le film est cependant tailladé, poignardé et empêtré dans la tragédie plutôt immonde de créatures qui passent leur court temps de vie à s'entretuer sans relâche. Tout cela est bien triste.... et vrai. 

 

 

 

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2018

 

2H

 

LE BLU-RAY :  Une image riche en matières. Le chef-op de Gaspard Noé, Benoît Debie, vient faire un tour chez Audiard pour offrir toute la sauvagerie nécessaire à son western. Des ombres, une patine, bref du non-lisse mais, attention, de très haute tenue. HD de caractère. Visuellement, un tient là un grand cru avec une âme à l'épreuve du temps.

 

Réal:

Jacques Audiard

Scénar:

Jacques Audiard (screenplay by), Thomas Bidegain (screenplay by) | 1 more credit »
 
 
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23/02/2019
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