LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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LE CRI DU CHAMEAU saison 2 épisode 1

 

Là où tombent les arbres

 

 

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C'était un petit chien noir à trois pattes.

Trottinant tant bien que mal le long du sentier. Une grappe de cochettes teintait à son collier. L'homme à la courte barbe blanche s'en amusa un instant 

- Courage, petite créature, tu trouveras bien vite un nouveau maitre et de quoi manger. Je te le promets.

D'un sac accroché à la selle de son cheval, le chevalier balança un quignon de pain. Le chien l'attrapa au vol et le dévora en quelques instants. Hugo songea à l'adopter mais un grondement sourd l'incita à forçer l'allure. Le ciel, lourd et teinté de pourpre sur tout l'horizon, menaçait de rompre. Son cheval se cabra et s'élança vers l'immense colonne des marchands, voyageurs et mendiants se dirigeant vers la cité. Les premiers éclairs découpèrent le crépuscule suivi du rire sinistre du tonnerre.

 

Loin de l'immense place du marché, au sortir d'un labyrinthe de ruelles sombres où dévalaient en crépitant les torrents de pluie, Hugo se trouva finalement au pied de la résidence du Roi-Souffleur. Face à l'élégant portail il descendit de cheval et tapota le code d'entrée en plissant des yeux, le visage ruisselant.

D'imposants flambeaux, bravant l'averse sous leurs larges parapluies cuivrés, éclairaient les profondeurs du jardin. D'étranges animaux filaient se cacher à son passage. Un oiseau aux ailes immenses traversa la nuit montante, au dessus de lui. Il se souvenait être venu ici alors qu'il n'était qu'un simple palefrenier au service de l'ombrageux Robert le Roux. Un être courageux, au coeur immense mais que la colère et l'aigreur finirent par dévorer. Il fut malgré tout un bon maître qui connaissait les douleurs des hommes mieux que personne et connaissait les plus subtiles détours du langage des charmes. L'art de l'apaisement restait complexe, subtil et délicat, même aux plus expérimentés des gardiens. Robert le Roux disparut le jour ou la patience et la bienveillance l'abandonnèrent. Il prit soin de sacrer Hugo chevalier avant de gagner les bois de l'oubli et de la consolation.

À remonter les allées du jardin, Hugo prenait la mesure du chemin parcouru depuis ces temps lointains de formation. Dans son esprit se dessina la longue liste des âmes qu'il avait protégées et de celle, féroce et changeante, qu'il accompagnait encore. Celle pour laquelle il était là ce soir. Une âme égarée dans les limbes de l'entre-deux âges. Ces terres grises et muettes où certains s'égarent. Entre les couleurs et le vacarme insolent de la jeunesse et les premières neiges de la vieillesse. L'âge venant, le chevalier-souffleur se préparait depuis quelque temps au grand départ pour l'île Bleue et voilà que, brusquement, il avait perdu la dernière âme dont il avait la garde. Hugo était un chevalier. Son serment était son chemin. Il ne céderait rien au chaos et accomplirait sa mission jusqu'au bout.

 

- Je perçois encore sa clarté...

Le Roi-Souffleur passa sa main au dessus de sa vieille lampe à visions.

- Me faut-il repartir vers le grand Nord?

demanda Hugo.

Le Roi resta figé, les yeux clos.

Puis sa voix s'éleva de nouveau.

- Je crains que l'âme que tu as perdue ne soit bien au-delà, fidèle Hugo.

Le chevalier baissa la tête comme accablé par le poids du parcours à venir.

Près de la haute cheminée où s'enroulaient les flammes, un grand singe mangeait des fruits. L'homme au costume de lapin avait tourné son visage vers Hugo. Le feu faisait danser les ombres sur l'ovale de son visage rond et triste. Le Roi-Souffleur laissa s'éteindre la lampe aux visions.

- Aucun de mes chevaliers n'est jamais allé au-delà du Grand Nord. Et c'est toi, Hugo, qui ouvrira le premier le chemin.

Hugo aquiesca. L'ombre creusait son regard. Il avait, depuis toujours, appris à chasser ses peurs mais la crainte de perdre son chemin sur un territoire inconnu le hantait. La Voix profonde et rassurante du Roi-souffleur vint le rassurer.

- N'aies crainte, sois tout entier livré au présent, Chevalier Hugo. Laisse le sillage du passé emporter aussi dans ses remous les vains tourments de l'avenir.

- J'avancerais, confiant et valeureux, ô mon bon Roi. Aveugle et sourd aux formes et aux chants stridents de la peur. J'irai jusqu'au bout des terres solides. Jusque là où tombent les arbres.

Le Roi-Souffleur posa la main sur l'épaule du chevalier et l'enveloppa d'un regard bienveillant.

- Tu dois être fatigué, Hugo.

- Ouais , j'suis complètement naze, patron.

Les deux hommes éclatèrent de rire.

Ils se servirent chacun un grand verre de Nectar 2017.

Le petit gros au costume de lapin se remit alors à bondir à travers toute la pièce en se cognant dans tous les meubles et en chantant:

"L'aventure c'est l'aventure

Elle est là qui vous attend ce soir"

Le long des vitraux jusque tout là-haut dans les hauteurs sculptées du plafond la pluie et l'orage battaient la mesure. Le feu émit dans l'âtre un long soupir et la soirée continua très bien comme ça.

 

 

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Je le sens.

Ce léger frémissement. Comme une lumière dans l'oeil, filant droit vers le coeur avec la grâce d'une note de musique. Sur le quai de la gare de Nantes, j'attends. Au soleil.

Je savoure les yeux fermés ma petite épiphanie. Mes oreillettes envoyant en feux d'artifice l'élan d'un chant sacré à l'autre bout de l'univers. C'est bon, je suis de nouveau debout et solide et le sourire me monte sans effort au visage. Je viens de passer une bonne journée de boulot avec un pro. Un type intelligent qui vous écoute, vous conseille et donne forme à ce que vous souhaitiez. J'avais aussi besoin de ça. Et quand, en plus, le même type vous fait découvrir un chouette petit resto et vous parle à coeur ouvert c'est le beau et le simple de la vie qui vient vous laver de toutes les journées imbéciles. Nous sommes passé chez lui parce qu'il avait du linge à étendre sur son balcon. Et j'ai découvert qu'il collectionnait les vieux exemplaire du New York Herald présentant les merveilleuses aventures de Little Nemo in Slumberland. À chacun son île au trésor. Je suis resté un moment en hypnose à suivre les lignes claires, sur les ailes de l'imaginaire flamboyant de Winsor McCay. Encore une étincelle. Les émotions revenaient. L'une après l'autre. Je me sentais comme un nageur au long cour regagnant enfin le rivage. 

 

La fée électricité me sort alors de ma rêverie.

Voilà mon TGV qui se pointe.

 

Je dois remercier la ponctualité du train.

Je remercie également le type assis à coté de moi qui ne réclame pas sa place près de la fenêtre.

Je remercie les couleurs du soir qui font chanter les bords de la Loire et la campagne qui défile.

Je remercie les villages avec leurs jardins soignés et leur terrains de sport fraîchement tondus.

Je remercie le contrôleur qui attend patiemment que je retrouve le code-barre de mon billet sur mon I-Phone.

Je remercie ma petite chérie qui me demande si je suis bien dans le train.

Je remercie la chaleur du soleil sur mon front

Je remercie les quatre sens  et les sensations infinies qu'ils procurent.

Je remercie les gens qui prennent la peine de descendre du wagon sans se bousculer.

Je remercie le tramway de ma bonne vieille ville qui me conduit à deux cent mètres de chez moi.

 

Mon portable tinte.

C'est Puce qui m'envoie un sms. 

Tu arrives bientôt?

Je descends du Tram, Puce.

 

Onze ans que nous sommes ensemble et la voir monter la rue à ma rencontre me bouleverse toujours. Il faut tout donner à ceux qui vous offrent leur vie et n'en finissent jamais de vous rencontrer. Je la serre dans mes bras et j'embrasse son grand sourire comme au premier jour. Les dernières semaines ont été rudes et l'on sent bien, tous les deux, que l'on va avoir droit à un peu de pain blanc. La douceur est partout autour de nous. C'est une chaude journée de printemps et je sais que je ne vais plus tarder à écrire. Il faut toujours se délivrer avant de s'envoler.

 

Je laisse passer quelques jours puis une virée à Dinard avant de m'installer à mon bureau. C'était bon, la virée à Dinard. Les moules frites face à la plage où cavalaient des champions du relais puis des championnes de Kayak, l'océan clair, les belles baraques, les jardins, les palmiers, une autre plage que Puce n'avait jamais vue et une pleine brassée de photos pour se tenir chaud l'hiver. On s'est bien marrés. Au pied d'un escalier je suis même tombé sur une porte. Je veux dire, une de ces portes qui donnent accès à d'autres territoires. Je l'ai prise en photo parce qu'elle a probablement disparu depuis.

 

 

 

 

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Mais je digresse.

Retour au bon vieux présent.

J'allume ma lampe de bureau, une rareté, rescapée des années 30 et chinée par ma fée, puis j'ouvre mon blog.

Cliquer sur publier un nouvel article taper enfin :

"Le Printemps au sec, épisode 1". 

Deux longs mois que j'attends ça!

Laisser ensuite s'échapper la petite musique du clavier qui rapidement rhabille le blanc de l'écran.

Juste avant de mettre à mort sur ma nuque le premier moustique de l'année.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Épisode 2

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Sommaire saison 2

Sommaire général

 



07/06/2017
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