LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LE CRI DU CHAMEAU saison 3 épisode 5

 

Ce qui ne vous tue pas
vous rend plus fort
mais 
par contre, 
ça gratte un peu  

 

 

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Souvenir précis.

 

Tu le tenais dans tes bras, comme une jeune maman.

Il était tout petit

Je roulais doucement vers la maison pour ne pas vous brusquer.

Tu le tenais dans tes bras

tout minus

à peine sevré.

 

Tu le tenais dans tes bras

tout contre toi

et tu en avais les larmes aux yeux

 

Pataud et à moitié endormi, ce petit égocentrique, teigneux, au charme dévastateur allait trouver son bonheur dans le panier de ton vélo, à cavaler dans ton ombre ou à rester couché près de toi

Scott

L'incessant frétillement de sa petite queue a donné le tempo.

C'est vrai qu'on a changé de rythme.

On a brusquement changé de rythme.

 

Ce petit fumier a d'abord mangé les coussins du salon

puis grignoté le mur de l'entrée avec encore les plumes de coussin sur sa tête.

il s'est mis à trottiner partout avec le courrier du jour dans la gueule

a même emporté quelques Blu-ray dans le fond du jardin

 

Aujourd'hui, il aboie sur tous les chiens plus grand que lui

Il poursuit tout ce qui rampe, marche ou vole et refuse toujours de lâcher la balle quand on essaye de jouer avec lui. Il peut être hyper agaçant mais quand on l'engueule il s'assoit aussitôt sur son petit cul et penche la tête de côté.

Forcément, au début, j'ai été un peu jaloux.

 

Ce soir,

à le regarder roupiller, peinard, au milieu du canapé, les pattes bien tendues, je me dis que c'est drôle comment un petit truc blanc et beige peut repeindre tout le tableau.

J'avoue que depuis qu'il est là

on s'est tous bien marré.

 

 

 

 

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Ça y est.

C'est maintenant que ça me revient.

D'abord, c'est l'étrange lumière qui m'a guidé. Je me suis avancé, en pyjama, jusqu'au milieu du terrain de foot. La nuit se dressait très haute et fière au-dessus des montagnes. C'était une de ces nuits transparentes qui donnent envie de se laisser capturer par une bande d'extra-terrestres en goguette. Une de ces nuits de dingues que vous ne devrez jamais raconter à personne. C'est un peu pour cette raison que les grands rêveurs ferment souvent leurs gueules. Et c'est donc là, tout seul, loin du dortoir où roupillaient mes petits camarades, par une belle nuit étoilé de classe de neige, que j'ai vécu un truc pas commun.

 

Je voyais depuis toujours des tas de machins visiblement invisibles. Mais vraiment. Le deuxième truc bizarre c'est que ces visions ne me mettaient jamais la tête à l'envers. Je voyais s'agiter tout un tas de couleurs et de créatures fuyantes au quatre coins de mon champ de vision, de hautes silhouettes perchées sur les toits au dessus de ma tête, et j'observais tout cela avec un calme olympien. Les joyeux lecteurs des saisons 1 et 2 savent qu'aujourd'hui encore les réalisateurs morts et les statues dans les parcs m'adressent souvent la parole. Tout cela fait que j'ai pu développer avec les années une précieuse faculté de garder mon calme pour des trucs trop vite jugés flippants. Même si, hormis mes temps d'échanges avec les statues et les réals morts, la grande majorité de ces visions ont quasiment disparu après l'adolescence. On perd plein de trucs pendant l'adolescence. C'est sans doute pour ça qu'ils font souvent la gueule. Mais ce dont je vous parle, c'était avant. Et puis comme je vous l'ai souvent raconté, c'est avec l'ordinaire que j'ai le plus de soucis. Je peux vivre avec angoisse le fait d'avoir égaré mon portefeuille ou mon billet de train, perdu mes lunettes, de passer la douane, tomber en panne d'essence, choisir un plat, crever un pneu ou retrouver le mot de passe de l'espace de gestion de mon blog, et ouvrir tranquillement ma porte au réalisateur des Raisins de la Colère. Je ne vendrais ce don incompréhensible pour cheminer paisiblement au milieu de l'étrangeté pour rien au monde. Comme le dit si brillament mon grand ami William B. "c'est la manière la plus douce d'interpréter la partition fracturée de tous les effrois qui grouillent sous la raison de notre monde grossièrement raisonnable".

Comme ce cher Will, je ne me sens guerrier qu'avec une dinguerie à dompter, un incendie à éteindre. C'est ma seule élégance. Pour le reste je suis gauche, parfois à cran et très souvent absent. On se planque comme on peut.

 

Bon, assez digressé. Reprenons cette histoire de quand j'étais môme.

Cette nuit-là, dans mon petit pyjama, sous les étoiles, j'ai définitivement compris que j''avais droit à un truc à part parce que l'étrange lumière qui m'avait attiré dehors s'est mise à me parler. Et donc, au lieu de me barrer en courant, je l'ai tranquillement écoutée me souffler mon avenir. Nous avons, vous allez le voir, pris tout de même le temps d'en discuter un peu. C'est pas tous les jours que ce genre d'occasion se présente.

J'aurais pu me souvenir de tout cela dès la saison 1, mais les voies mystérieuses de l'inspiration ont sans doute trouvé que ça valait le coup d'attendre, histoire de resserrer davantage les liens avec mon confidentiel mais fidèle lectorat. Comme le précisais le célèbre acteur John C. Holmes "rien de tel qu'un lent crescendo pour faire accepter l'impensable". Je réalise à l'instant que je garde un souvenir d'une précision absolue de mon dialogue avec la drôle de loupiotte. Histoire d'écrire une phrase un peu sensée au milieu de tout ça, je vais même ajouter que, présente et impermanente à la fois, elle m'a causé un peu comme le ferait un nuage. Une légère brise est montée du gazon sombre de la nuit puis ça a démarré. Voilà exactement ce qui c'est dit :

 

- Écoute moi bien, mon petit pote, c'est la lumière bizarre qui te parle. Voilà grosso modo ce qui va se passer dans ton futur. Pas de panique, tu vas continuer à grandir, comme tous les mômes, tu vas même te trouver un métier sympa, pas trop mal payé et où l'on ne s'emmerde pas trop, il te permettra de garder les pieds sur terre et de rester bien réveillé. Ok? Et puis, voilà, un jour, en espérant que tu ne sois pas devenu trop con, tu prendras un chouette nom d'écrivain. Tu t'appelleras...  Francisco !

- Francisco ?!

- Putain ouais, mon petit bonhomme. À te voir là, dans ton pyjama trop grand, je trouve que Francisco c'est pas mal du tout.

- Mais j'suis même pas espagnol!

- Malheureux, n'oublie pas que ton grand-père est corse !

- Papi Domi !

- Exactement, bonhomme. Le papa de ta maman. Sache, jeune chevalier, qu'il y aura toujours un petit morceau de Papi Domi en toi. C'est à Bastia, rue du lycée, que tout a commencé. Je suis née dans le fournil de ton arrière grand-père. La papa de ton papi. Le boulanger. Je suis la petite lumière qui s'est épanouie dans l'odeur sacrée du pain. J'aurais pu en rester là, à errer tranquillement au milieu de ces odeurs délicieuses mais, vois-tu, j'ai eu envie de fabriquer un poète. Hélas, le fils du boulanger,  ton papi, a trop de courage et d'ambition. Il a rapidement préféré faire carrière. La poésie, quand on manque de temps, c'est trop compliqué. Pourtant, mon petit père, je peux te dire qu'il avait écrit de bien belles phrases sur son île et qu'aujourd'hui encore une belle prose se tient dans ses silences. Ceux qu'il laisse flotter comme un ballon au dessus de sa tête, quand il reste assis des après-midi entières sur la terrasse de tes parents. Tranquille. Au soleil.

- Oui c'est vrai, quand il est en vacances, il peut rester assis des heures sans rien faire du tout.

- Il compose rien que pour lui, mon grand. Voilà pourquoi il n'a jamais pris la peine de m'écouter. Mais toi, mon petit bonhomme, je sens que l'on est fait pour s'entendre. T'as tout pour. T'en branle pas une à l'école, t'es un vrai petit cancre parce que t'es rêveur et fainéant comme un ...

- Comme un quoi?

- Laisse tomber. Bref tu ne le sais pas encore, mais t'as une caboche toute ouverte qu'est faite pour laisser entrer des mondes et faire des phrases. Et c'est pour ça que je me permets d'intervenir ce soir. Pour t'annoncer qu'il va falloir que tu partages un peu tout ça. Parce que tu as en toi un tas de personnages à faire exister. Ils se doivent de venir à la vie pour le bien de quelques lecteurs anonymes. Les personnages ont des messages à faire passer. Les écrivains sont de simples passeurs. Ne cherche même pas à savoir pour qui tu écris. Laisse filer. Ne te demande pas si c'est important. Fais-le.

- Donc, je vais devenir un écrivain? Un écrivain célèbre?

- T'inquiète pas de ça. Je te parle d'écrire. Ce truc magique qui ne fonctionne pas à chaque fois. Je te parle du labeur. La petite charrue du grand labour. Celui de toute la terre que t'as dans la tête. Comme la terre de ton paternel et du père de ton paternel. Tu vas tracer ton sillon avec une rigueur paysanne. Ce sera un vrai sacerdoce mais je pense que ça t'empêchera de devenir fou, voire même d'être souvent heureux.

- Mais je suis déjà heureux !

- Parce que t'es qu'un gosse tombé en plus dans une chouette famille. Mais tu verras, quand tu seras plus vieux il faudra bien que tu trouves un truc pour continuer de grandir. Et ton truc à toi ce sera ça. Semer et faire pousser de l'écriture. Ça te fera travailler la patience. Parce qu'une vie sans patience n'est pas une vie.

- Oui, c'est vrai que monsieur Chotard, mon professeur, il dit souvent pareil.

- Ben oui. Écrire, mon grand, c'est d'abord attendre puis écouter. Ensuite, ce que vont faire tes doigts sur le clavier des ordinateurs du futur ce sera juste de la gymnastique. Ce qu'il faut c'est prendre le temps de bien écouter pour entendre TA voix. La tienne, rien qu'à toi.

- D'accord...

- Mon petit père, une phrase, faut lui laisser le temps de monter, sinon elle sortira toute plate. Alors, tu comprendras que dans de telles conditions, être célèbre est quasiment hors-sujet. Presque un accident. Tu ne connais pas encore ce mot mais je te jure qu'écrire est un putain de sacerdoce parce ce que si tu ne mouilles pas la chemise on n'y verra que des mots.

- Mais vous oubliez un peu que j'suis carrément nul en orthographe !

- T'as que neuf ans ! Et les fautes, ça se corrige. C'est pas comme l'absence de style.

- Et mon livre,  il s'appellera comment?
- Ah, ça, moi je fais pas les titres. Je balance les prémonitions et tout ce qui va avec, mais les titres je sais pas faire. c'est toi qui va le trouver mon grand.

À cet instant précis, un petit vent frais s'est levé.

Ça a fait danser les arbres dans la nuit, tout autour du terrain de foot.

- D'accord, madame la lumière.

- Allez, maintenant Francisco, file te coucher. Tu vas faire un gros dodo et demain, t'essayeras d'apprendre à skier correctement. L'essentiel c'est de ne pas oublier de devenir écrivain quand tu seras grand. Parce que, je viens de te le dire, Il existe des tas de personnages à libérer, Ok?  Et puis, autre chose d'important, essaye de trouver un titre plutôt malin pour ton oeuvre majeure !

- C'est quoi une oeuvre majeure?

Mais là,  la lumière s'est éteinte.

Disons plutôt qu'elle a foutu le camp.

D'un seul coup.

 

Je me suis dit que de toute façon il était temps d'arrêter de déblatérer.

Qu'il allait même falloir faire le contraire. Alors, enfin, pour la première fois de ma vie, j'ai blatéré. C'est à dire que j'ai respiré un grand coup et que ça a fait un peu comme le cri du chameau. Mais en moins bruyant.

 

Quand j'ai rejoint le dortoir j'ai bien fait gaffe de ne pas réveiller monsieur Chotard. Notre instituteur qui était super gentil mais toujours tout rouge. Je me suis planqué sous les draps et je me suis endormi. Ensuite, j'ai grandi (un peu) et j'ai continué à faire tout un tas de fautes d'orthographe. J'ai perdu mon grand-père puis ma grand-mère. Bref, j'ai soigneusement tout oublié de cette conversation. Jusqu'à ce soir ...

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

Il n'est pas con.

Non. C'est juste que son défaut le plus officiel est de mettre la musique à fond dans sa bagnole. Il sait cette manie totalement dépourvue d'élégance. Mais à son âge, cinquante piges et quelques brouettes, Brunner n'est plus du tout bien élevé. Pour être tout à fait honnête, il n'en tirerait même aucune fierté. Rester poli quand on est tout seul dans sa bagnole n'a aucun sens et n'a jamais été dans ses cordes. Alors voilà, si la plupart du temps il conduit plutôt bien et n'insulte que ceux qui bousculent sa tonitruante harmonie. Son seul vrai défaut au volant, c'est ça. Cette histoire de musique à fond.

 

Il se fout royalement de ce que les passants peuvent penser de cette désolante expression de rage. Les expressions consternées de ses voisins et voisines de feux rouges l'indiffèrent. Parfois, il tombe sur des mélomanes aux jolis sourires complices. Il a même eu droit, une fois, à un pouce avec hochement de tête. Mais c'est rare. Dans l'ensemble, Brunner fait chier tout un tas de gens qui ne demandent qu'à rentrer chez eux avec le petit bruit du moteur qui va bien. Mais, comme je l'écrivais un peu plus haut, il s'en fout. Il a développé aussi une manière pacifique de boxer et il s'y tient. C'est seulement quand tout est trop qu' il sort le soir se battre là où ça cogne dur et sans trop de règles.

 

Ainsi passe sa grosse bagnole, arrosant le monde autour de tout  un tas de vieux standards des Sixties et Seventies. Parce qu'il faut bien, chaque soir, se nettoyer la tête et vomir tout le cancérigène de ses obligations journalières. Certains font un footing, du foot en salle, un peu de jardinage, se masturbent frénétiquement, se mattent un bon film ou prennent des cours de Yoga, d'autres ont du mal à trouver leur truc et braillent sur tout ce qui bouge. Certains finissent même par se casser la gueule dans le fait-divers.  Brunner, lui, est un simple colérique. Aussi, il a franchement, viscéralement, directement besoin de cette longue et sonore explosion. Disperser, dans le grand vent du rock, de la Soul et du Blues, les effluves écoeurantes de tous ces petits bouquets de misère qui fleurissent dans les espaces fermés où ça bosse. Là où la plupart des gens sont ficelés les uns aux autres, souvent contre leur gré et où parfois tout explose. Parce que, partout autour du monde, on s'est organisé comme les abeilles mais avec la conscience et les petits chefaillons en plus. Quel ratage, cette histoire de boulot. Mesurer chaque jour de nos vies qu'il s'est développé depuis l'aube du monde de l'entreprise une suffocante culture du mesquin et de l'ego oppressé qui transforme depuis des millénaires ce qui devrait être une éclatante mécanique d'organisation du vivant en un écrasant labeur. Alors, bon, c'est vrai que l'on essaye bien, de nos jours de parler de ruche mais le mal est fait. Nous nous sommes fabriqué un putain d'enfer sans production de miel. Filer au taf est devenu une de ces surprenantes activités que l'on poursuit chaque jour pour on ne sait plus bien qui et encore moins pourquoi.  Et en plus, les abeilles sont en train de crever.

Ce qui le sauve, Brunner, c'est que son boulot se passe la plupart du temps dehors et dans sa bagnole. Au milieu de cet ancien jardin d'Eden transformé en désert bourré de clous et de produits toxiques par les vents du pouvoir et de l'ethnocentrisme il cavale derrière les fouteurs de merde, les tueurs amateurs et les pros, mais découvre encore des oasis. Les zones délicieusement tempérées de son métier. Ce qui le mine, c'est qu'il doit faire des dossiers sur tout. On l'emmerde avec tout un tas de trucs qui l'éloigne du terrain. Et cette putain de dimension laborieuse de tout travail l'exaspère. Il sent moins ça dans sa bagnole. Le monde glisse rapidement. Comme le torrent des secondes de sa vie.

 

Voilà,

son petit rituel de survie à lui, à Brunner, c'est ça. 

Ce hurlement en musique débordant du fleuve tourmenté de sa vaine endurance. Presque tous les soirs, deux ou trois minutes après avoir sorti la tête du taf.

Il est fort probable que quelques passants ou conducteurs l'aient, un beau soir, entendu hurler un bon coup. Il le fait toujours après le second rond-point, là où le building de son boulot échappe à son rétroviseur. Là où l'avenue rejoint la rivière pour l'emmener jusqu'au tunnel ouvert sur les hauts quartiers. Ça se déroule toujours de la même façon.

Lancer la playlist puis hurler. Comme un dingue ou un Pavarotti bien fâché. Et tout ça bien fort, histoire de faire sortir de ses rails l'écrasante loco du quotidien avec ses petits wagons d'horaires à respecter. C'est d'ailleurs la grâce que l'on peut accorder à la fin du jour. Faire dérailler nos montres. D'aussi loin qu'il peut s'en souvenir Brunner a toujours aimé mettre la misère à la routine. Certains jour, au beau milieu de toutes ses faillites, c'est même lui qui a remporté le match. Ok, globalement la routine impose partout sa loi même dans son taf qui trempe les pieds en enfer. Mais Brunner lui a infligé quelques mémorables K.O. Précisons tout de suite qu'il n'est pas démuni. Dans son arsenal on peut trouver pas mal d'étourderie, beaucoup de silences, de méditation-light et cette fameuse faculté de partir à blanc sur les événements. Mais, là-dessus, il a un secret que je révélerais plus tard dans la saison. Il a de quoi rester attentif et ramener à la surface le grand sauveur de notre quotidien, le protecteur de tout l'art de nos vies. Ce blanc chevalier du grand roman que l'on écrit jour après jour. L'inattendu. Ce truc gratuit, capable de nous refiler le sourire. On peut le rencontrer partout et à n'importe quelle heure. Et à la fin de tout ça, c'est même lui qui gagne.

 

Musique !

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

Épisode 6 

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Sommaire saison 3 

Sommaire général 

 



19/07/2018
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