LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

Feel-good série       Tendresse et mélancolie

Chuck Lorre                                                                                  

**** 

Saison 1

30 minutes de bonheur multipliées par huit.

le traitement n'est pas très long mais La Méthode Kominsky est radicale. Elle chasse la déprime passagère et vous garde au chaud. On peut la regarder un petit peu chaque soir, se l'injecter en deux ou trois fois ou, dans mon cas, le plus désespéré, se la bingewatcher d'un seul coup. Faites comme vous le sentez mais, je vous promets que, si votre coeur fonctionne encore et que vous avez suffisamment de sens de l'humour pour traverser l'existence avec politesse, cette méthode vous fera du bien partout. 

La recette est simple. Vous prenez deux vieux acteurs absolument épatants. Michael Douglas & Alan Arkin. Vous leur filez une partition brillamment écrite par Chuck Lorre, le papa de Roseanne, Disjointed, Mon Oncle Charlie ou The Big Bang Theory. Vous les faites ensuite parler de la vie, de l'amour, de la vieillesse, du cancer et de la mort mais, surtout, de l'amitié et le tout sans oublier de torpiller chaque séquence émouvante d'un vibrant éclat de rire. Vous obtiendrez alors la meilleure feel-good série de l'année après l'épatante saison 2 d'Atypical (la 3, on pardonne et on oublie)

Je ne vais pas m'étendre.
Juste vous dire que j'ai passé des moments délicieux en compagnie de Sandy et Norman.

C'est un chouette spectacle, de suivre ces deux personnages irrésistibles incarnés par deux légendes du cinéma qui n'ont plus rien à prouver. Les voir irradier tranquillement l'écran de leur présence furieusement rassurante dans notre époque de branleurs. Parce qu'ici seuls le charme et l'intelligence règnent.

Ce n'est ni une tragédie ni un polar trépidant, juste un bonne tranche de vie. Le côté furieusement addictif de la chose se nourrit de la haute gastronomie du dialogue. Un régal de sensibilité et de pudeur décrochant, dès que l'occasion se présente, deux trois bons coup de pied dans les petites couilles de la bienséance.

L'humour, omniprésent et souvent cinglant, sied à ravir au personnage d'Alan Arkin. Michael Douglas, en coach d'acteurs et sémillant septuagénaire n'est pas en reste. Loin de là. L'alchimie fonctionne à plein régime. On se régale. À peine la larme vient-elle à l'oeil qu'un trait d'esprit, soudain, vous dessinera un joli sourire. C'est un peu ça le secret d'une bonne comédie, d'un bon feel-good movie. Et, ici, ça file comme ça tout du long.

Tiens, un détail. Le plus graveleux. La Méthode Kominisky est capable d'aborder de manière quasi frontale les problèmes urologique inhérents au grand âge sans tomber dans le scato ou basculer dans du Michael Haneke bien plombant. Non, Norman et Sandy restent drôles et élégants en toute circonstance. Comme la vie, quand elle est réussie. C'est aussi un peu ça, dans le fond, La Méthode Kominsky. La prostate se dilate, ça sert le coeur mais, globalement, c'est à pisser de rire.

Saison 2 

 J'ai donc bingé ces huit nouveaux épisodes avec bonheur. 

Les scénaristes de nos épaisses comédies françaises devraient jeter un oeil là-dessus. Humour ravageur, dialogues aériens.On souri, on se marre, avec la petite larme qui guette au coin de l'oeil. Le délice continue dans cette nouvelle saison.

La vie l'amour et la mort embrassés avec la même tendresse et la même lucidité. Le désespoir traité avec politesse et élégance. Quand l'humour et l'amitié  flanquent de grands coups de pied au cul du drame. Je me suis même demandé si l'écriture de ces nouveaux chapitres n'était pas encore plus affutée, avec, toujours, ces petites pointes de férocité bienvenues. Encore une série qui ne vous prend pas pour un être humain aux fonctions cérébrales limitées. Si vous vous êtes attachés aux personnages, après la saison 2 vous ne pourrez plus vous passer d'eux. Michael Douglas & Alan Arkin !  Avec charme et intelligence ces deux potes réinventent le sitcom. J'espère que Norman et Sandy feront de solides centenaires parce que j'en prendrais bien pour vingt ans encore.

Saison 3

Je ne vais rien dévoiler en vous annonçant que la saison s'ouvre sur les funérailles de Norman (on l'apprend dès le premier plan). Là on se dit : mince, une saison sans l'extraordinaire alchimie Douglas/Arkin ça tutoie le suicide scénaristique.

Le résultat surprend. C'est clair qu'il manque le Norman, mais c'est fait pour. Et ça marche encore ! Cette nouvelle saison en six épisodes (en sortie de Covid, ce n'est pas assez) embrasse une mélancolie plus profonde. La solitude de Sandy défendue royalement par un magnifique Michael Douglas plus sensible et vulnérable que jamais tient le show tout près du coeur. Et toujours nous accompagne cette finesse d'écriture portée par l'humour et la tendresse. On ne patauge jamais dans le pathos et on se marre souvent. À savourer ici la participation drôle et sympa de Morgan Freeman.  Bref, on continue de s'attacher aux personnages et on salue le retour en force de l'ex de Sandy, incarnée par une Kathleen Turner qui, sans chercher à masquer le poids des années, ressuscite aux côtés de Mister Douglas le célèbre duo de cinéma d'À la Poursuite du Diamant Vert et de La Guerre des Rose. Nostalgie quand tu nous tiens !

Le final en forme de testament et d'adieu au cinéma laisse planer dans le regard du grand Michael la confirmation qu'il s'agit bien ici d'un dernier tour de piste pour ce savoureux personnage.

En trois actes superbement conduits, La Méthode Kominsky nous a confirmé que vivre heureux c'est aussi apprendre à mourir en douceur. 

On en sort les yeux embués mais le coeur en fête.

Francisco,