LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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LA FIÈVRE DE PETROV, debout les morts!

Poème   Rage    Hallucination

Kirill Serebrennikov

*****  

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Je pourrais apposer le précieux label "film de dingue".

L'oeuvre est multiple, hybride, tordue, furieuse, géante, "ogresque". Impossible à résumer et difficile à présenter. Je vais quand même m'efforcer, humblement, de vous ouvrir l'appétit.

 

Ce cinéma là, il faut lui rentrer dans le lard et s'enivrer des effluves de son âme profonde. C'est une poésie qui tâche, celle d'un film monstre, insolent, débordant de colère, de rage et d'amour. Un film-monde. 

La Fièvre de Petrov défend sacrément bien son titre. Ce métrage est littéralement habité sur le fond comme sur la forme par la fièvre et ce jusqu'à l'hallucination. Enveloppée dans une photographie vaporeuse, comme saisie dans les limbes d'une conscience au bord du coma, la dérive du "fiévreux" Petrov dans une Russie en plein chaos, aux portes de la guerre civile, interroge le sens premier de l'existence.

 

L'amour, la vie, la mort et les pulsions qui nous animent dans le mouvement d'une course folle échappant rapidement à toute logique et enchaînant les plans-séquences et les raccords virtuoses avec un appétit de cinoche totalement galvanisant.

Une fièvre que seule la soif de créativité, délivrée ici comme un torrent, peut irriguer. Les différents niveaux de conscience se croisent, se superposent, s'interpénètrent jusqu'à fusionner. Souvenirs d'enfance, fantasmes se font écho d'un personnage à l'autre. Suivre Petrov, c'est cavaler derrière le lapin d'Alice. Il vous abandonnera parfois mais toujours en fascinante "compagnie".

 

 

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Tous les chemins et toutes les interprétations restent ouvertes. La Fièvre de Petrov est un jouissif bordel d'une maîtrise formelle ahurissante dont se régalera tout amoureux d'un cinéma libéré de son ancre. Un bateau ivre qui se fout de sa destination. Oeuvre nihiliste? Non ! Oeuvre libre. Même dépressive, arrosée d'alcool et plombée par la "maladie"et la mort, la danse de Petrov ne cesse de célèbrer la vie.

 

En cela, sans afficher de discours politique à gros sabots, le film affiche et affirme une saine rage d'artiste anarchiste. Après les rockeurs de l'élégant (mais encore sage et esthétiquement propret) Leto le réalisateur Kirill Serebrennikov lâche les chiens et fout le feu partout. hé, oui... ça brûle. Petrov et la sarabande de personnages hybrides qui l'accompagnent traversent un monde finissant. Un univers qui dépasse les frontières de l'Est et résonne avec une ambition universelle.

C'est l'orchestre de notre monde qui penche, celui du Titanic jouant à plein tube. Nous entendons ici la fanfare sinistre des idéaux et des idéologies agonisantes. Une farce cruelle, drôle, déchirante, virtuose, s'achevant par la course d'un cadavre échappant à son corbillard et n'aspirant qu'à rentrer à la maison. Un monde viral, grippé, où il fait bon se tirer une balle ou, au mieux, rester couché. 

 

 

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Au coeur du désert actuel où un cinéma d'auteur conciliant et bien élevé attend fébrilement ses prochains génies et où le cinéma populaire semble définitivement ruiné par le "Fan-Service" et le "Wokisme", dictatures ultimes d'un "neuneuisme généralisé" incapable d'embrasser l'art de la nuance et s'abreuvant à l'écuelle des nouveaux réseaux d'inculture et de désinformation, il me semble plus que salutaire de chopper La Fièvre de Petrov. Parce qu'il faut s'y abandonner et que l'on ne peut pas lutter pas contre ce genre d'oeuvre. "Pure expérience existentielle et sensorielle" elle échappe même, par ses détours prodigieux, à toute critique.

 

Grand film ? Manifeste ? Oeuvre culte ? Chef-d'oeuvre ?

Quelle importance... On s'en fout.

Le spectacle est là et le poème servi brûlant. 

Aucune étiquette ne tiendra jamais sur cet objet filmique à l'état sauvage.

Mais ce qui est sûr, c'est que cette vigoureuse tranche de ciné résistera au temps. La Fièvre de Petrov apporte la bonne nouvelle d'un cinéma qui bouge encore, bouscule, choque, provoque et n'hésite pas à réveiller les morts. 

 

 

Francisco, 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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2021

 

2h25

  

Le Blu-ray                   sortie le 2 décembre 2022 !  Après une première sortie uniquement en dvd qui, manque de définition oblige, en rajoutait dans l'aspect "fiévreux" de la photographie voici que le Blu-ray s'impose avec sa précision et son niveau de détail HD franchement réjouissant. Mais, étrangement, je n'ai pas souhaité jouer au frisbee avec le dvd puisque cette aspect "ouaté" apporté par la SD conférait une matière vaporeuse qui épousait parfaitement l'ambiance à la fois onirique et cauchemardesque de ce film-ovni rageur et inclassable. En revanche cette seconde vision à pleine résolution confirme bien le génie comme la saine folie de l'oeuvre.  

  

 

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22/09/2022
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