LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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JOKER, "it's a fucking comedy"

Drame      Comics

Todd Phillips                                                                                         

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Oscar bien mérité.

Il m'a suffit de quelques secondes. Pas plus.

 

Dès l'ouverture, j'ai su que j'allais assister à une forme de prodige d'interprétation.

Joker signe le triomphe d'un immense acteur. Joaquin Phoenix laisse ici exploser toute la folie qui habitait déjà les figures souvent décalées de sa fascinante filmographie. C'est la maitrise des chiens de l'enfer loin d'un cabotinage sans mesure, avec au fond du regard ce sombre éclat de l'authentique fêlure. 

Un engagement d'acteur absolu. En cela il accomplit l'exploit d'atteindre l'altitude stratosphérique de celle d'Heath Ledger pour le monumental Dark Knight de Nolan. À chaque plan ce comédien polymorphe et prométhéen transpire l'abandon et le courage.

 

Mais ce Joker ne surgit pas de nulle part.

C'est un rôle presque logique après un paquet de prestations délicieusement sur la frange. De l'empereur malade de Gladiator au pantin pathétique de The Master en passant par la "performance" autodestructrice et jusqu'au-boutiste au long cours dI’m Still Here et aux tueurs névrosés de A Beautiful Day et des Frères Sisters le dantesque Joker prenait forme en Phoenix.

 

 

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Le tour de force est bien là.

Voir un film à la forme sobre capable de nous descendre au fond de l'abîme pour, au final, briller au dessus de la mêlée et tutoyer les sommets sur les seules épaules de son acteur principal. Si le crescendo scénaristique fonctionne avec précision et efficacité, la mise en scène dans son "apparente" simplicité ne parasite jamais la prestation de Phoenix. 

C'est pro, sublimement photographié (patine seventies vraiment classieuse) mais tout cela ne transcende jamais les règles cinématographiques dans son découpage. Le regard évolue dans des tableaux dignes d'une bonne série HBO. Mais c'est sans doute ce refus de l'épate et du hautement spectaculaire qui laisse toute la place à l'acteur. Le génie c'est le Joker. Phoenix Rises.

 

Todd Philipps élude le fantastique.

Joker est d'abord un drame intime. Il est question ici d'une descente en maladie. Saluons l'envoûtante partition au violoncelle d'Hildur Guonadottir (Chernobyl) qui soigne autant l'atmosphère qu'elle nous entraîne au plus profond du mouvement mélancolique du pathétique naufrage du personnage. Arthur Fleck, humilié et trahi, s'abandonne à ses psychoses et s'affirme alors comme le digne descendant des Travis Bickle et Rupert Pupkin des chefs-d'oeuvre de Scorsese.

Les clins d'oeil à Taxi Driver, séquences d'un personnage jouant son personnageau scénario-remake de La Valse des Pantins jusqu'à la présence au générique de Mister De Niro Himself soulignent l'hommage. Le Joker de Todd Philipps signe ainsi le grand retour d'une figure majeure et magnétique du grand cinéma américain. Celle du "loser magnifique". Symbole d'un art-miroir, qui ausculte et interroge. Un art au prise avec son temps. À propos de miroir, la séquence de danse devant le miroir, instant d'avènement et de bascule définitive, pourrait être l'équivalent du monologue et des entrainements de Travis Bickle dans Taxi Driver.

 

"For my whole life, I didn't know if I even really existed. But I do, and people are starting to notice." 

 

Cette réplique du Joker aurait aisément pu figurer dans le chef-d'oeuvre de Scorsese.

43 ans plus tard, Arthur Fleck, clown pathétique et tueur en puissance, porte toute la rage et la désespérance des sans voix et des laissés pour compte d'une société aveugle et sourde aux misères de ceux d'en bas.  

Nous nous trouvons là  au coeur d'une nouvelle bascule de la civilisation. Ce moment d'Histoire où le modèle ancien s'effondre, où l'art pose son Joker pour lancer une interrogation proche de la supplication.

 

- Is it just me, or is it getting crazier out there?

 

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Si le succès public d'une oeuvre aussi sombre et radicale a quelque chose d'artistiquement rassurant, voir miraculeux après les abrutissants feux d'artifice Marveliens, il est aussi révélateur d'une situation sociale et politique qui devraient alerter nos dirigeants, trop occupés à jouer les gestionnaires au dessus du corps social au supplice. 

Les spectateurs d'aujourd'hui boudent Superman et célèbrent, se reconnaissent?, en une figure tragique et ricanante, produit de la violence, de l'indifférence et du cynisme ambiant. Une figure de contestation sans compromis. Le visage du chaos. 

Ce film restera.

 

À l'image du masque de V pour Vendetta chez les Anonymous, les sourires peints sont apparus dans les rangs des Gilets Jaunes comme à HongKong au Chili ou au Liban. Le Joker n'a peut-être pas la panoplie complète du chef-d'oeuvre absolu pour les critiques, mais c'est un très grand film. LE film de son temps.

  

"I used to think that my life was a tragedy, but now I realize, it's a fucking comedy."

 

Formule, à peine prophétique, d'une révolution sans retour qui ne fera rire que le Joker.

 

 

 

 Francisco,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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2019

 

2H

 

 

LE BLU-RAY : C'est beau. Une photographie hantée à la patine seventies servie par un blu-ray haute précision. Contrastes et couleurs à la fête.

 

Director:

Todd Phillips

Writers:

 Todd PhillipsScott Silver  | 3 more credits »

 

 

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13/04/2020
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