NIGHT CALL, l'info à tombeaux ouverts
Drame Thriller État des lieux
Dan Gilroy
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Pitbull cinématographique.
Électrisant. J'assume avoir pensé très fort au cultissime Taxi Driver de Scorsese qui, il y a quarante ans, suivait la descente en enfer d'un type totalement aliéné, piloté par ses obsessions, avant une surréaliste et amorale rédemption.
Night Call ! cette belle surprise portée par un Jake Gyllenhaal hallucinant, le regard habité par un mélange de folie et de détermination, signe pour moi l'acte de naissance d'un nouveau Travis Bickle et une nouvelle chronique de cette aliénation ordinaire.
Le temps sera seul juge mais je ne serais pas surpris qu'au delà du choc de la première vision, Night Call décroche un bon CDI au Valhalla du thriller urbain. Mais pas seulement... Pour son premier film comme réalisateur l'ex scénariste du dernier Jason Bourne et Real Steel, Dan Gilroy, a clairement révisé ses classiques. On pense non seulement au chef d'oeuvre de Scorsese mais également au récent Drive dans son découpage millimétré et sa rigueur photographique. Une patine visuelle, un travail graphique et un sens du cadre admirables qui évoquent même parfois les fulgurances urbaines du Collateral de Michael Mann.
Tout est ainsi bien en place pour plonger tête la première dans le torpillage salvateur de cette soif de faits divers qui gouvernent depuis toujours les médias et nourrit la fringale du public pour ces drames "auxquels ils ont échappés". Cette obsession médiatique du scoop, d'être le premier sur le coup, et d'offrir au public une belle chimère :"l'information en direct". Deux termes, selon mon humble avis totalement antinomiques. Et particulièrement aujourd'hui avec l'hystérie du net, et le règne de ce"journalisme spontané"sans rigueur ni légitimité. Quel est le temps consacré désormais à la vérifications des faits, au recul, à l'analyse? Quel type d'information gouverne aujourd'hui? La plus fiable? Celle de l'investigation en profondeur? Ou la plus rapide?
Voilà pourquoi Night Call est, selon moi, beaucoup plus qu'un thriller.
Le personnage maniaque et effrayant de Louis Bloom incarne toute la monstruosité de ce genre mineur et décérébré de reportage à sensation qui alimente la curiosité la plus malsaine avec la peur comme étendard. Une dérive de la télévision qui se nourrit de l'effroi et de l'horreur pour resservir exactement le même cocktail au téléspectateur. Tel ce bolide rouge sang lancé à pleine vitesse dans la nuit, le temps n'est plus à réfléchir, comprendre ou donner à penser mais bel et bien à se prendre en pleine figure cette "information à tombeaux ouverts".
Night Call, un "film d'actualité".
Édifiant et déjà culte.
Francisco,
Jake Rises
Gilroy