LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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MALCOLM & MARIE, I'm sorry ...

Drame    Huis clos                                                                                      

Sam Levinson

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Le noir et blanc porterait-il chance à Netflix?

Après l'autobiographique songe de Cuaron Roma et la déclaration d'amour au cinéma du somptueux et funèbre Mank de Fincher et en attendant Blonde, le prochain film d'Andrew Dominik sur Marylin qui devrait recourir à cette élégante palette chromatique sur une grande partie du film, voici que Netflix nous offre un Malcolm & Marie lui aussi en noir et blanc, nouvelle proposition de cinéma de caractèree et tout aussi radicale.  Certes bavard et parfois poseur, mais somptueusement incarné, mis en scène et photographié dans un score 35mm au grain saillant.

Ce recours au noir et blanc incarnerait-il l'esprit de résistance du cinéma d'avant ?

Confiant dans la puissance "expressionniste" du procédé. Un cinoche privilégiant l'impression, l'évocation, l'atmosphère et la matière face aux recettes lisses, prévisibles, confortables et proprement dématérialisées qui déferlent sur nos plateformes ?

Un choix sensible.

 

 

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Pour cette production conçue durant le premier confinement dans le plus grand secret, Sam Levinson, réalisateur et scénariste,  joue le duo et l'unité de lieu pour faire de nous les témoins de l'affrontement d'un couple électrique. Celui d'un réalisateur célébrant la première triomphale de son film face à sa muse qu'il a négligé de remercier lors de cette cérémonie qui marquera visiblement un tournant décisif dans sa carrière.

Dans un impressionnant plan-séquence de près de dix minutes le personnage de Malcolm, porté par un John David Washington autrement plus intense et inspiré que dans Tenet, laisse exploser sa joie comme sa virulence politique envers l'intelligentsia de la critique ciné réduisant la portée de son oeuvre au label de sa couleur de peau. Le monologue n'évite pas certains clichés mais la prestation d'acteur comme le mouvement de caméra scotchent.

Face à la fougue du premier et son torrent de mots répondent les silences éloquents du personnage de Marie. Magnifique et magnétique Zendaya, révélée dans les nouveaux Spiderman et dont le talent d'actrice a explosé grâce à Euphoria créée et réalisée par le même Sam Levinson. Elle reviendra bientôt sur de plus grands écrans avec l'adaptation ô combien attendue de Dune par Villeneuve. Son impérial détachement est l'écrin idéal pour défendre au mieux la lucidité implacable de ses répliques à venir. De ses éclats à ses cassures, sa prestation s'ouvre ensuite à toutes les gammes de jeu. Du haut de ses vingt-cinq ans, cette jeune actrice allume le feu et apporte autant le sel que les larmes à ce vigoureux métrage.

 

Malcolm & Marie s'inscrit dans la pure tradition de l'affrontement conjugal qui anime depuis toujours le cinéma américain du Who's afraid of Virginia Woolf de Mike Nichols qui voyait s'étriper psychologiquement Elizabeth Taylor et Richard Burton au cinéma de Cassavetes qui de Faces à Love Streams en passant par Opening Night n'a cessé d'exposer les frustrations, douleurs et amertumes de nos parcours solitaires dont toutes les formes d'art se font un banquet. Dans la lignée de ces oeuvres féroces, nous entrons dans l'arène d'un quasi huis-clos où tombent les masques sous les coups de boutoir de la réplique assassine. Malcolm & Marie a l'intelligence de n'épargner aucun des deux protagonistes. Chacun à fait son lit de l'égoïsme et de la douleur comme de sa soif d'amour et de reconnaissance. Agaçants, prétentieux, égocentriques, puis fragiles et désemparés.

 

 

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La forme triomphe ici.

Ce huis-clos est sublime par  la photographie irradiante aux contrastes admirables du chef-op Marcell Rév, déjà à l'oeuvre sur Euphoria et le précédent film jouissif et foutrarque de Levinson Assassination Nation.

Les visages de ses deux magnifiques interprètes enflamment l'écran. Zendaya et John David Washington n'ont jamais été aussi charismatiques. Leurs prestations se complètent à merveille. L'alchimie fonctionne à plein régime.

Se jouant de l'unité de temps et de lieu, la mise en scène exploite avec une efficacité magistrale tout l'espace comme les ouvertures vers l'extérieur de la luxueuse villa pour en dessiner, pièces par pièces, tous les actes de cette tragédie existentielle. Nous sommes aux premières loges d'un gigantesque théâtre pour assister à ces scènes de la vie conjugale au propos finalement universel.

 

Le film n'aurait pas souffert, en son milieu, de perdre un petit quart d'heure mais on peut souligner les qualités d'écriture de Sam Levinson. J'évoquais certains clichés dans le discours mais le duel n'hésite pas à démaquiller le glamour et descendre dans les grandes profondeurs pour dévoiler ces failles béantes que l'on dissimule derrière le clinquant des apparences.

Au cours du métrage, le récit gagne en force. Les frontières se révèlent poreuses entre amour et oppression. Précis d'une relation passionnelle et dysfonctionnelle qui ne s'est jamais affranchie du terreau de la dépendance et de l'addiction. De puissantes lignes de dialogue soulignent combien notre besoin de reconnaissance nourrit autant notre ambition qu'elle la dévore. 

 

Ainsi, sous son apparence de "magnifique objet filmique un poil branchouille", Malcolm & Marie nous offre un puissant déconfinement  cinématographique.  Sam Levinson est clairement un auteur à suivre et ses deux acteurs trouvent ici leurs rôles les plus iconiques.

Welcome back au cinéma !

 

 

Francisco, 

 

 

 

 

 

 

 

L'avis des lecteurs

 

L'anominus

 

" Je te suis sur cette vraie proposition de cinéma même si je suis moins emballé que toi par certains effets de mise en scène un peu trop « appuyés » à mon goût. Mais c’est du vrai cinoche. Et quel plaisir de retrouver le « grain » cinéma."

 

 

 

 

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2021

 

1h45

 

Director:

 Sam Levinson

Writer:

 Sam Levinson

 

 

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27/03/2021
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