LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES MOISSONS DU CIEL, magic hours

Poème     Drame                                                                                       

Terrence Malick

***** 

Les-Moions-du-ciel-Exclusivite-Fnac-Blu-ray 2.jpg


 

 

 

 

 

Avant de revenir sur le fond, parlons du cadeau.

Le voici enfin disponible en Blu-ray le second film d'un magicien de l'espace et de la lumière. Une sacrée arlésienne, plusieurs fois annoncée et toujours repoussée. Une belle sortie de mai qui a ébloui le déconfinement de cinéphages, avides comme moi, de compléter enfin leur collection Malick sur support HD.

 

Je ne vais pas plus longtemps mâcher mes mots : voici une restauration de premier ordre. (tout cela me semble très proche voir semblable au master Criterion) Il offre une excellente gestion du grain ciné pour un respect absolu de la divine patine argentique.  Un master entièrement nettoyé et un niveau de détail réjouissant. Certains gros-plans sont assez bluffants pour un tournage en lumière naturelle de quarante cinq ans d'âge. Notamment les plans d'insectes lors de l'apocalyptique scène de l'invasion des sauterelles. Contrastes et étalonnage des couleurs rendent grâce au travail admirable du légendaire chef-opérateur Nestor Almendros. La lumière, l'espace et la profondeur de champs des tableaux Malickiens retrouvent ici leur plein éclat et amplitude dans ce surcroit de définition totalement miraculeux. Ce Blu-ray, qui aurait mérité un packaging un  peu plus élaboré qu'un boitier en plastique bleu, offre la meilleure copie disponible à ce jour de ce grand film panthéiste annonciateur des chefs-d'oeuvre à venir. Maintenant qu'il fait beau, vous pouvez donc profiter d'un barbecue pour incinérer votre ancien DVD. Nous tenons ici un top démo d'une oeuvre charnière des glorieuses seventies.

 

 

7d618f87c0a48deb1164c233cd1d241f.png

 

 

Qu'ajouter à la prose de centaines de passionnés de Malick, fascinés à chaque nouvelle vision de ce poème sublime et cruel.  Il s'ouvre sur la partition du "Carnaval des Animaux"de Saint-Saens. Hormis un seul cliché sur de riches hommes d'affaires en haut-de-formes il embrasse, en une série de photographies du début du vingtième siècle, l'univers des classes laborieuses oeuvrant dans l'ombre à l'édification du pays. Visages d'anonymes jusqu'au dernier représentant le portrait de Linda, la jeune actrice et narratrice du récit. Ainsi saisie dans un noir et blanc "à l'ancienne"faisant parfaitement illusion, elle connecte l'oeuvre à une réalité sociale tangible. Le mariage entre la dimension poétique du film et son réalisme naturaliste est d'emblée consacré.

 

Second film de ce peintre-poète-réalisateur après La Balade Sauvage (1974) Les Moissons du Ciel offre une ampleur nouvelle au cinéma de Malick, dans la richesse de ses décors et reconstitution, tout en imprimant sur ce "grand spectacle" les mêmes figures et obsessions qui accompagneront la filmographie à venir.  Encadré par le récit en voix-off de la jeune soeur de Bill, magnifique Richard Gere tout de rage contenue,  le cinéaste déroule un nouveau songe autour du thème omniprésent chez Malick du Paradis Perdu, où un couple "en cavale" court à sa perte dans une nature somptueuse mais indifférente aux drames qui s'y jouent. Une histoire de triangle amoureux rapidement transcendée par la beauté fulgurante des images toutes tournées aux heures magiques. Celles de l'aube et du crépuscule, lorsque le ciel est éclairé mais que soleil n'est plus ou pas encore visible.

 

Dans cette lumière d'"aura" qui a longtemps classé ce film comme " l'un des plus beaux au monde" à l'instar des fascinantes expérimentations formelles de Kubrick sur Barry Lyndon, Malick pose un regard presque "divin" sur ses personnages. Mais celui d'un dieu indifférent, sourd aux injonctions des hommes. Les êtres ici, s'agitent vainement, comme en témoigne la scène grandiose de l'invasion des sauterelles qui, comme dans le récit biblique des sept plaies d'Egypte, précède les ténèbres. L'intrigue importe peu, les dialogues sont rares mais le cinéma triomphe dans ces paysages immenses où la nature ne cesse de rappeler à l'homme l'éphémère et la vanité de son existence. Sur cette trajectoire d'humains condamnés au coeur d'un eden originel, seules les images font sens.

 

 

linda-manz.jpg

 

 

Les Moissons du Ciel signe aussi le chef-d'oeuvre de Nestor Almendros (Oscar de la meilleure photo en 79), chef-opérateur d'Eric Rohmer, Truffaut et Barbet Shroeder. Un puriste de la lumière naturelle limitant au maximum le recours aux éclairages artificiels et secondé par Haskell Wexler qui assura près de la moitié des prises de vue puisque les délais de tournage s'étant considérablement allongés Almendros dû quitter son poste vers son nouveau Rohmer (Perceval le Gallois). Objectifs ultra-sensibles, horaires de prises de vues limitées, les contraintes furent immenses mais le résultat, quarante-cinq ans après, continue d'impressionner. Même si il est possible aujourd'hui d'obtenir toutes les teintes, lumières, ciels et nuages que l'on veut en CGI il se dégage de cette matière filmique en 35 et 70 mm une sensation d'hypnose quasi cosmique. (Je m'emballe toujours un peu, mais c'est un Malick que j'attendais de revoir depuis longtemps, donc je peux y aller franco)

 

Comme toujours chez Malick, les acteurs ignoraient ce qu'allaient produire les kilomètres de pellicule enregistrés dans cette ambiance de début et de fin du monde. Richard Gere manqua plusieurs fois de quitter le plateau, agacé par l'absence de direction de la part d'un réalisateur-esthète préoccupé avant tout par la composition des ombres lumières et couleurs de ses tableaux. Rapidement le script original fut abandonné et le réalisateur invita ses comédiens à composer l'histoire durant près d'un an que dura ce tournage épique.

On peut mettre en rapport cette distance avec cette histoire de  présence divine indifférente évoquée plus haut. Ce n'est pas du mépris pour le jeu d'acteur ou la narration traditionnelle, simplement une hauteur de vue.  Recul magistral d'un authentique artiste oeuvrant à son tableau de maître. C'est ce travail de génie travaillant hors sentiers qui permet aux films de Malick d'être plus que des films mais des oeuvres-monde sortant du cadre et destinées à hanter nos mémoires cinéphiles. Comment oublier la vision de cette maison plantée au milieu des champs, aussi magnétique qu'un tableau d'Edward Hopper.

 

Évidemment, malgré sa palme de la mise en scène à Cannes (le thème musical totalement envoûtant du film, l'Aquarium du Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saens, accompagne toujours la montée des marches)  le public ne fut pas franchement au rendez-vous. Le rythme est clairement contemplatif. Le récit digresse, part en fugue, avant d'expédier l'intrigue par ellipses. Les Moissons du Ciel est une oeuvre qui médite. Malick capture, et cette démarche deviendra de plus en plus radicale, ces "moments oubliés" de la narration traditionnelle. Ce temps entre deux actions où les personnages échappent au récit et sont saisis dans leur "vacance". Soyons clair, pour qui aime les histoires bien racontées et les rebondissements, on peut facilement s'emmerder. Pour les rêveurs dans mon genre qui aiment randonner, voire dériver, hors des sentiers battus c'est le paradis. Le réalisme magique de Malick exige un minimum d'abandon et de lâcher-prise.  

 

 

dcf9c132ba44ccbd69128b10107a20cd.jpg

 

daysof+heaven.jpg

 

Mais l'oeuvre est restée et figure aujourd'hui sur la top liste de nombreux réals, acteurs et scénaristes de renom. Elle est également à la source de nombreuses inspirations.

Cette voix-off de fillette encadrant le récit et posant la distance poétique de l'enfance à un récit  de désir et de mort fut d'ailleurs brillamment reprise par Jane Campion dans sa magnifique Leçon de Piano. L'ouverture sur un brasier d'usine et la vision lors des scènes de chasse d'une nature édénique au coeur de l'enfer des hommes hantent le Voyage au Bout de l'Enfer de Cimino et cette liberté de narration éblouie par la majesté des espaces sauvages imprime aussi le périple du Chris McCandless de Sean Penn dans son magistral Into the Wild. Oeuvre panthéiste, Et au Milieu Coule une Rivière de Redford s'ouvre également sur une série de photographies en noir et blanc permettant d'enraçiner le cadre de l'intrigue dans son époque. 

Autant de clins-d'oeil, échos ou références qui marquent l'importance de ce film dans la "psyché" et l'esthétique du cinéma américain d'avant la grande braderie des studios aux plates-formes (Dans ces hyper-marchés du septième art où tout, du pire au meilleur se retrouve empilé dans les mêmes rayons, l'essentiel devient invisible. Je fais mon vieux con, certes, mais je suis convaincu que surexposition et surproduction nuisent à  l'inspiration)

 

 

45b42cfe279b9deda74a3ce776cf9f2b4153efa1.jpeg

 

 

Voilà, si vous n'avez qu'un blu-ray à acheter ces temps-ci, récoltez dans votre panier Les Moissons du Ciel. Je ne fais pas partie de ceux qui le considèrent comme le meilleur film de Terrence Malick, restant pour toujours à genoux devant l'ambition folle de The Tree of Life, mais il condense déjà tous les trésors d'un cinéaste majeur. C'est une rêverie mélancolique absolument unique. Celle d'un poète se refusant à tout compromis pour imposer sa vision. La seule posture qui vaille pour un artiste authentique.

 

Écoeuré par le système, épuisé par des mois de tournage et de montage, Malick s'éclipsera des plateaux de cinéma pendant près de vingt ans avant de revenir en guerrier hanté et visionnaire pour La Ligne Rouge.  Depuis il enchaîne les tournages, entre éblouissements, épiphanies, errances et expérimentations. Une démarche parfois casse-gueule (Song to Song) mais toujours conduite en totale liberté. Raison pour laquelle le "prochain" Malick est toujours une promesse.

 

 

 Francisco,

 

 

 

 

 

 

 

 

L'avis des lecteurs 

 

Fabienne

 

"... Je viens de l'acheter aussi en BR et de le revoir, dans toute sa magie et son foisonnement de sensations qui élève l'âme...comme toujours chez Malick. On bruisse avec les blés, on se brûle la prunelle avec plaisir, au soleil couchant...et on frémit à la misère sociale d'un Eden où l'asservissement et l'humiliation voilent la beauté du ciel. Un chef-d'oeuvre absolu qui prend son temps pour nous faire admirer une beauté du monde, grâce à une photographie exceptionnelle Chaque plan est un tableau.
Il y a aussi du Steinbeck dans la dénonciation sociale de l'exploitation humaine pour le profit de quelques-uns."

 

Sofi 

 

" Richard Gere et Sam Shepard dans le soleil couchant, difficile de trouver plus envoûtant "

 

  

 

Chroniques  Malick 

 artfichier_777966_5289660_201511172916531.jpg  artfichier_777966_7967735_201811241721182.jpg  artfichier_777966_8584207_202004162554615.jpgartfichier_777966_5572531_201603261646220.jpgartfichier_777966_8635719_202005182953282.jpg

artfichier_777966_4235478_201410305216750.jpg  Les-Moions-du-ciel-Exclusivite-Fnac-Blu-ray.jpg

 

 

 

18ceff2efce27fd2158f07b19a33df8ac1515098.jpg

 

 

1978

 

1H35

 

 

Le BLU-RAY :  ...une restauration de premier ordre. excellente gestion du grain pour un respect absolu de la divine patine argentique. Niveau de détail réjouissant. Contrastes et étalonnage des couleurs rendent grâce au travail admirable du légendaire chef-opérateur Nestor Almendros. La lumière, l'espace et la profondeur de champs des tableaux Malickiens retrouvent leur plein éclat et amplitude dans ce surcroit de définition totalement miraculeux. La meilleure copie disponible à ce jour de ce grand film panthéiste annonciateur des chefs-d'oeuvre à venir. (calqué, visiblement, sur le master Criterion)

 

 

Director:

 Terrence Malick

Writer:

 Terrence Malick

 

 

Days-of-Heaven-10.jpg



06/06/2021
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi