LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LE CRI DU CHAMEAU saison 4 épisode final

 

Parce qu'il faut bien céder à la lumière,
des racines au vent,
et s'ouvrir jusqu'aux plus hautes ailes du feuillage
pour que rien, jamais, ne s'achève

 

 

 

IMG_1939.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Attendre la magie.

Répondre au soir.

Céder à l'appel des étoiles délivrées en bouquets.

 

Descendre le talus vers le théâtre dressé sous l'ombre du châtaignier. Contre un arbre est accrochée, un peu de traviole, un e affiche délicieusement rétro. Bienvenue au grand final du Dingo Circus et son Orchestre Invisible. Le public ancien, des époques révolues et des premiers souvenirs, se tient là. Figures attentives.

Sur scène, sous la lumière de l'unique projecteur est assis William B. Sa valise sur les genoux. Derrière lui, au fond du champ, un groupe de poètes attend le passage du Paul Express qui, à minuit pile, éclairera la campagne et les emportera vers le Grand Ailleurs.

Infini jardin des oeuvres aériennes. Paysages dessinés par les histoires sans fin où les illusions prennent chair et où s'accordent enfin les âmes contraires. C'est le soir du grand départ pour le vieux et noble compositeur. Il me fait signe de le rejoindre sur scène.

 

- Francisco, fidèle ami. Venu saluer celui qui, de nous deux, n'a plus le courage de rester...

- Et voici celui qui as libéré sa musique sur le monde! Je l'entends dès que je dérobe un instant au calme. Tu as tant fait et si bien travaillé. Ton ouvrage est une merveille. Ton billet, tu l'as mérité mon vieux pote.

- La vérité, Francisco, c'est que je me défile. Quant à ma musique, je crois que tu es un des rares à l'entendre. Je suis triste et fatigué et je n'aurais pas le courage d'affronter ce qui s'annonce en ce monde. Je suis à bout de souffle, Francisco.

- Tu as fait ton chemin. Tu es tout sauf un homme épuisé. Je vois devant moi un grand monsieur qui s'est abandonné à tous les spectacles  que la vie peut offrir. Dévoué tout entier à exister. À ton tour d'épouser l'éternel chant du rail. Tu vas retrouver l'appétit. Ton âme pourra de nouveau tout dévorer du voyage et danser, je te le promet.

- Regarde, répond William B. en éclatant de rire, c'est toi qui as retrouvé mon sourire !

- Tu vas me manquer.

- Je ne suis pas inquiet. Tu sauras composer.

 

Il prend ma main dans la sienne.

Je voudrais garder William B près de moi pour toujours. Mais il est tard et l'époque a basculé. Les poubelles débordent, les rires les plus gras couvrent les chants. Je ne voudrais pas qu'il loupe son train. Le Grand Ailleurs est la plus courageuse aventure et William B. reste un éternel explorateur.

Il appartient à cette race d'homme qui, à chaque heure, oeuvre à nourrir les mystères, la lumière et les ombres. Aussi doit-il disparaitre en couleurs, sans que personne ne puisse le retrouver. Le Paul Express ne s'arrête que pour les poètes, les musiciens, les tisseurs de songes et les brocanteurs d'illusions perdues. Le Paul Express ne marque l'arrêt que pour les êtres comme lui.

 

- Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi où tout cela nous a conduit William.

- Et alors, tu n'as pas apprécié le voyage?
- J'ai pris un pied fabuleux.

- Pour une fois qu'un livre ne se finit pas. Tout est encore là, Francisco, bien vivant. Prêt à prendre feu. Écoute, regarde et laisse le vent et les saisons écrire la suite.

Il pose son doigt sur mon front.

- L'imagination gouverne, Francisco. Laisse-là en liberté. Ne cherche jamais à l'apprivoiser. Elle s'échapperait. Lorsque l'ombre a essayée de l'enterrer, tu l'as vu, tout s'est effondré... 

William B. Auteur de la dernière symphonie d'avant le vacarme à venir.

 

- Ne te laisse jamais emmerder, Francisco. Veille sur ceux que tu aimes comme sur toi-même. Le reste n'a aucune importance. L'univers se transforme et ne laisse que des pierres, des chants et quelques mots derrière lui. Alors, amuse-toi à en crever mon tendre et fidèle ami. Ne prépare plus tes bagages. Pars ! Sans cesse !

 

Voici que le vent du soir se lève.

Avec lui la nuit et ses étoiles applaudissent.

J'entends siffler le Paul Express. Comme de l'or au milieu des feuillages ondulant dans la vapeur, résonne l'appel du chef de train. Jamais je n'oublierai l'étreinte amicale et les adieux aux gestes délivrés. La clameur de l'accueil. Adieu William B. Je t'envie, un instant.

Silhouette de nouveau légère, tu retrouves la chaleur bruissante de l'enfance ressuscitée au coeur des wagons éblouis. Ton rire, éclaboussant la mélancolie du départ. Nous nous saluons. Je sais, que nous nous reverrons. Ailleurs. Après. L' oeil de la locomotive découpe la foule silencieuse des ombres de la campagne avant de s'éteindre, en clignotant, doucement, là-bas vers l'ouest.

 

J'entends alors le personnel technique du roman démonter le théâtre et le projecteur.

- Vous ne voulez-pas laisser tout ça ici, les gars ?

- Plus vite remballé, plus vite couchés, m'sieur Francisco ! me répond le plus massif des ouvriers.

- Besoin d'un coup de main?

- Ça ira, chacun sait exactement ce qu'il a à faire. Ça va plus vite comme ça.

Leurs gestes sont sûrs. L'ouvrage se déroule avec l'élégance d'un ballet sous le pâle miroitement de la lune. L'un d'entre eux déploie alors un gigantesque plumeau et débarrasse le ciel de ses étoiles tandis qu'un autre décroche la lune et la glisse dans se qui ressemble à un gigantesque carton à dessin. Gestes après gestes, petit à petit, la nuit se referme. Ne reste plus que le châtaignier déployant ses ramures.

- Bonne nuit, m'sieur Francisco !

- Salut les gars !

La troupe des techniciens soulève alors un coin de nuit, laissant brusquement apparaitre l'éclat du jour à venir, et y glisse leur chariot avant de disparaître à leur tour. Je rejoins la route par l'étroit sentier. Avec l'obscurité et le silence revient le froid.

 

Sur le dos du champ, surgit alors la silhouette penchée de l'homme à la tête cassée. Avec sa moitié de crâne et son bras mort.

De sa main valide, il pointe l'horizon.

- Tu ne ferais pas un petit tour avec moi, l'ami?

- William B est parti. Il n'y aurait plus personne pour me retrouver si je partais avec toi.

L'homme à la tête cassée rit doucement

- Tu traineras toujours un peu dans le coin, j'imagine.

- De temps en temps. Mais je ne te ferai plus la conversation.

- Tu m'abandonnes?

- Je prends juste un peu de distance. Rassure-toi, je ne t'oublierai pas.

- Ce serait difficile ...

L'homme à la tête cassée reste immobile.

J'entends le sifflement de sa respiration griffer le calme autour de lui. Puis, laborieusement, de son bras vaillant, il sort une cigarette du paquet glissé dans sa poche de sa chemise et la porte à ses lèvres. Je perçois son regard plonger au fond du mien. Sa voix semble portée par les courants de la nuit.

 

-  Notre séparation ne te rendra ni plus fort, ni plus courageux. Le sais-tu?

-  Ma seule ambition est de garder le sourire. Lorsque je chemine près de toi, je manque cruellement d'humour. 

L'homme à la tête cassée acquiesce. Il tâtonne et trouve enfin son briquet au fond d'une poche et allume sa cigarette.

- Finalement, tu es bien comme tout le monde Francisco, tu préfères voyager léger.

- Les valises sont toujours trop lourdes pour les vieux gamins dans mon genre.

L'homme à la tête cassée me tire alors sa révérence en ricanant. Puis il inspire un grand coup et de son seul bras vaillant m'invite à poursuivre mon chemin.

- Alors va, et que la vie te pardonne.

Il tire une profonde bouffée avant de rejeter la fumée vers le ciel.

- ... et n'oublie pas que toi et moi nous ne serons jamais des ennemis.

 

Puis

l'ombre penchée

se fige.

Épouvantail planté au milieu du vaste territoire de nulle part.

 

Il me faut marcher encore un moment avant de retrouver la route. Au contact des semelles sur le bitume, je sais qu'est venu le moment de rentrer. Quelque chose de chaud reste en moi. C'est le sourire que j'ai gardé planqué.

 

 

 

 

 

 IMG_1864.jpg

 

 

 

 

 

Les premières notes d'une journée.

Descendre ouvrir à Scott et Val

Appuyer sur le bouton de la cafetière

Regarder les chiens pisser au milieu du jardin.

Saluer le jour tout neuf.

 

Chaque matin, depuis quelques semaines, le café semble meilleur que celui de la veille. Souvent les p'tits bonheurs ont la vie dure et s'installent. Ce matin, Puce aspire à l'ombre verte et frissonnante. Elle songe à l''abri des bois et au calme ondulant des champs d'été fraichement tondus.

 

Alors nous roulons

Nous roulons éveillés pour attraper une de ces petites routes en fuite qui prennent leur source à l'ombre des nationales ou du repli d'un village. Et, parce qu'il n'y a pas de hasard, je retrouve le chemin d'une photographie. Celle d'une jolie rêveuse toute de pierre. Une humble Dame des Champs abritant sous son clocher l'écho de la prière des siècles. C'est une photographie qui compte. Celle d'un lieu qui, au coucher du soleil, m'avait soigneusement consolé d'un jour de colère. Une photographie aussi précieuse qu'une clef. Je conduis mon tendre amour vers cette chapelle par l'étroit sentier dessiné entre deux haies de laurier. Il inspire déjà l'âme du lieu, toute entière offerte aux rares visiteurs. J'étais seul le soir où je pris la photographie. Nous sommes seuls en cet instant. Parce qu'à l'instant de le lire, tout s'écrit.

 

 -  Si tu te rends devant la porte de l'église, Puce, tu reconnaitras la serrure. Celle du Cri du Chameau.

 

Une légère brise dorée disperse un instant la chaleur.

Puce ouvre le portail, traverse le lit d'herbes folles qui s'est déployé durant ces longues semaines de confinement autour de l'édifice et, dans le chuchotement de l'ombre, enroule amoureusement ses doigts fins autour de la poignée. Aussitôt, nous le sentons.

Voilà

Tout recommence...

 

 

 

 

Francisco,

 

 

 

 

 

 IMG_8936.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 considérez cela comme la FIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sommaire général  

Sommaire saison 4

 

174100112144554741074178=878==:8=7=7410*:01204512041021.jpg
 



25/07/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi