LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LA NUIT NOUS APPARTIENT, au nom du père

Polar

James Gray                                                                                        

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Dès l'ouverture, je succombe.

Portée par le "I'll be seeing you" version Jackie Gleason, défile une série de photos en noir et blanc. Le quotidien d'une unité d'élite de flics à l'oeuvre dans le New-York sauvage des années 70. Unité engagée dans la lutte contre le trafic de drogue. Leur devise était : "We Own the Night". Arrestations, saisies, portraits, détails. En quelques clichés le décor est posé. C'est le terrain de jeu sur lequel a grandi et s'est endurcie la famille Grusinsky.

 

Puis surgit cette séquence torride entre Joaquin Phoenix et la sublime Eva Mendes. Ces deux-là forme un couple de cinéma instantanément culte. Bobby dirige un club hip de Brooklyn. La nuit aussi lui appartient puisqu'il fait son beurre dans cet univers et la faune qui vient s'y nourrir. Jeune homme dont le charisme est royalement défendu par un Joaquin Phoenix totalement irradiant (déjà présent dans The Yards, l'acteur fera deux autres films avec Gray) il n'a rien contre un petit joint avant d'aller présenter sa nouvelle copine à sa famille, situation forcément un peu tendue puisque chez les Grunsinsky on est flic de père en fils. Autre "faute de fils indigne", Bobby, EST un Grusinsky mais il a pris, business nocturne oblige, le nom de sa mère "Green" (personnage encore vert) On comprend rapidement qu'il est le cygne noir de la famille... 

 

Aux côtés du couple incandescent que forme Phoenix et Mendes, s'impose l'habitué Mark Wahlberg (il faisait déjà équipe avec Phoenix dans The Yards) sa prestation, entre explosions et retenue, fait bien regretter son sous-emploi actuel. Mais, pour être sûr de se placer sous protection divine, James Gray convoque à l'affiche de cette Nuit une figure légendaire de son cinoche de référence. Je vais nommer là le grand, l'immense, l'immortel et marmoréen Robert Duvall. Sa présence, autoritaire et protectrice, anoblit l'ensemble du récit. Elle contribue pleinement à faire de La nuit nous appartient un grand millésime.

 

 

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Ainsi, douze ans avant Ad Astra, James Gray nous raconte déjà l'histoire d'un exil intérieur et d'un retour à soi à travers la quête du père. Cette Nuit est aussi pour le réalisateur de Little Odessa et The Yards l'occasion de boucler en beauté sa "trilogie du crime" en nous plongeant cette fois dans l'univers des flics. Le cinéma de Gray est bien en place. Une intrigue "antique" tissée, une nouvelle fois, sur le fil des liens familiaux.

 

On le comprend rapidement, et ce sans rien négliger du spectacle (James Gray nous offre une poursuite en voiture totalement suffocante et deux scènes de fusillades intenses et sanglantes) son film repose une nouvelle fois sur la densité de ses personnages.

Ici l'intrigue "policière" est plutôt limpide et secondaire mais ce sont bien la mise en scène et la direction d'acteur qui 1h50 durant vont installer le tout au sommet de l'Olympe. La nuit nous appartient est d'abord un film de personnages. Un drame familial autant qu'un parcours de réconciliation. 

Et comme chez tous les grands cinéastes, on ne sépare pas le fond de la forme. Les tâcherons foutent des plans sur le scénario, les bons artisans vont l'illustrer soigneusement, mais les magiciens composent leurs images sur le fil des visages, du décor et de la musique. 

 

 

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Ici la direction artistique est irréprochable, la reconstitution du New-York des années 80 transpire de réalisme et la BO ressuscite l'esprit de l'époque, coincée entre la dépression post-vietnam et l'euphorie "stupéfiante". La musique envoûte dès l'ouverture. Du Jazz (symbole de l'univers du père) aux cadences fiévreuses de Blondie ou Bowie (l'univers de Bobby)

 

Oui, James Gray compose ses toiles comme un grand peintre classique. Respectueux du cinéma des aînés qui ont posé les bases mais soucieux d'apporter sa touche personnelle.

Les comédiens sont sublimés par la forme du métrage. Chaque plan, ici, est transcendé par le velours argentique de la photographie de Joaquin Baca-Asay dont le talent sera ensuite à l'oeuvre sur "Two Lovers". Dans la texture même de l'image, l'hommage à la matière la plus noble du polar américain des années 70 est omniprésent. Et c'est dans la dynamique de montage que s'affirme ce maître du cinéma des années 2000.

Après le déchirant Little Odessa et un opératique The Yards (costaud mais ployant un peu sous les références) cette Nuit a tout pour émouvoir le cinéphile tant elle constitue à la fois le point d'orgue de la filmographie du réalisateur et synthétise avec une folle élégance le meilleur du cinéma américain. Celui qui, au fil des chefs d'oeuvres de Coppola, Scorsese, Lumet ou Friedkin, ont donné le cap et façonné les décennies à suivre.

 

 

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Le chef-d'oeuvre de James Gray?

Peut-être... Même en mode mineur, Two Lovers, tourné dans la foulée, m'envoûtera. 5 ans plus tard, l'obsession de la forme dévorera selon moi The Immigrant mais je n'ai jamais oublié la patine hypnotisante de ses tableaux jusqu'au saisissant plan final.

James Gray fera pour moi son grand retour en 2016 avec The Lost City of ZUn retour aux fondamentaux qui se promène du côté de L'Homme qui voulut être Roi de Huston et surtout de l'Apocalypse Now de Coppola. Cette dernière référence sera de nouveau au menu du sublime conte philosophique SF Ad Astra. Parabole existentialiste aussi monumentale qu'odieusement incomprise. Il faut assister aux affligeantes vidéos-critiques de tristement populaires vloggeurs décérébrés pour mesurer l'ampleur de l'injustice. Compte-tenu des résultats plus que décevants au box-office de ce dernier opus, il est peu probable que James Gray poursuive dans ce genre qui est pourtant fait pour lui. Quelle image renvoie autant au spectacle absolu qu'à l'intériorité des êtres sinon celle de l'humain face à l'espace infini?

 

Heureusement, les films restent. Et, désormais, grâce aux supports physiques et au streaming, cette Nuit là nous appartient. 

Et pour longtemps.

 

 

Francisco,  

 

 

  



 

 

Chroniques  James Gray

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Forcément, j'ai foutu mon Blu-ray dans ce somptueux coffret DVD. 

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2007

 

 

1H55

 

 

 

LE BLU-RAY        "Un velours argentique" retranscrit à la perfection par ce que l'on pourrait appeler un "doux" top démo. Grain, couleurs, contrastes, une matière somptueuse pour les amoureux du 35mm. Une touche seventies pour sublimer l'hommage au cinoche américain

 

 

 

Director: 

 James Gray

 

Writer:

 James Gray

 

Stars:

 Joaquin PhoenixMark WahlbergEva Mendes  |See full cast & crew »

 
 
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24/04/2020
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