LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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DANS LA VALLÉE D'ELAH, le déclin de l'empire américain

Drame    Polar     Guerre     Chronique sociale

Paul Haggis                                                                                

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Quand l'Amérique sacrifie ses enfants.

Sur la trame d'une enquête policière, le cinéaste et scénariste de Collision Paul Haggis se rend au chevet d'une génération perdue. Nous suivons un père, ancien policier militaire à la retraite, cherchant à retrouver son fils, jeune recrue disparue lors de sa première permission à son retour d'Irak. 

 

Le fond et la forme.

Nous assistons ici à la symbiose parfaite de ces deux matières. L'image du crime derrière le drapeau, de la douleur sous l'uniforme, de "la grande muette" dissimulant de hideux secrets sont merveilleusement traduites par la rigueur glacée de la mise en scène.

Solide patriote, le personnage de Tommy Lee Jones, Hank Deerfield, est ainsi dessiné au fil de plans tirés au cordeau et d'une photographie à la précision "chirurgicale". (Saluons, encore une fois, l'admirable travail du légendaire chef-op Roger Deakins qui, en plus de sa fructueuse collaboration avec les frères Coen, a signé récemment les triomphes visuels de 1917, Skyfall, Sicario et le somptueux Blade Runner 2049.) 

Dans sa mise en image même, le film ausculte et traduit la tension d'esprits au bord de la fracture. L'apparence du métrage est soignée mais rapidement l'horreur s'y expose. Petit à petit, ce récit implacable, avançant au rythme d'une marche funèbre, devient celui du deuil, de la désillusion puis de la trahison. C'est ce trajet de la déconstruction des apparences sous la rigueur du cadre qui fascine et dessine ici les situations comme les personnages.

 

 

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Derrière cette quête de la vérité se dessine le portrait d'un homme assistant à sa propre disparition, au fil des révélations. Un patriote qui finira par hisser le drapeau à l'envers.

Difficile d'imaginer un autre acteur que Jones capable d'exprimer tant de souffrances et d'amertume derrière l'autorité d'un visage sculpté par de longues années de discipline militaire. L'acteur n'a sans doute jamais été aussi puissant et bouleversant que dans sa cinquième décennie de cinéma. Dans la Vallée d'Elah délivre sa partition et impose sa force et sa grandeur sur le seul visage de cet acteur qui aura traversé tous les paysages du cinéma américain. Une tristesse qui nous hante longtemps après la séance.

Même si la distribution aligne une impressionnante liste de seconds rôles de grande classe, avec la magnétique Charlize Theron et quelques apparitions émouvantes de Susan Sarandon, je n'ai retenu de ce requiem que le spectacle de ce visage. Un regard bouleversant et des traits exhibant les cicatrices du rêve américain. C'est le visage du Cow-boy fatigué. Celui d'aujourd'hui ayant  enterré sous le drapeau ses illusions. Un drapeau claquant au dessus d'interminables et insolubles conflits.

 

Parlons-en, d'ailleurs, des paysages. Dans cette même cohérence du fond et de la forme ce récit de la perte se déroule dans un décor aride de couloirs blafards, de motels tristes, du désert et de bars à strip. Les limbes de l'Amérique. Territoires des âmes perdues.

 

Le rythme contemplatif de ce faux polar, pas de gun-fight et une seule course poursuite vite expédiée, ne trompe personne. Il s'agit bien d'un drame psychologique d'une dimension universelle. Dans la vallée D'Elah, lieu mythique où David affronta Goliath, est bien une fable sur la chute des géants. Un  nouvel opus dans la saga des films dédiés à "l'impossible retour au pays" qui, de Voyage au Bout de l'Enfer à Démineursn'ont de cesse de dénoncer les ravages de la guerre et son monstrueux cortège de traumas, psychoses, délires et autres dommages collatérauxMeilleur film de l'inégal Paul Haggis, porté par un acteur au sommet de son art, la chronique de cette revoyure s'imposait. Aujourd'hui un peu oubliée (le blu-ray se brade à deux euros) voici une oeuvre majeure sur la faillite de l'empire américain.

Plane ici l'esprit de ce ciné américain des années 70 qui savait sublimer le désenchantement et le naufrage des illusions. Ce rêve américain aux plaies béantes qui fascine autant qu'il révulse.

 

 

 

Francisco,  

 

 

  

 

 

 

 

 

 

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2007

 

2H

 

LE BLU-RAY           Une image travaillée au scalpel. Haute précision et niveau de détail au taquet pour servir au mieux la photographie "chirurgicale" de Sir Roger Deakins. Chapeau bas.

 

 

Director:

 Paul Haggis

 

Writers:

 Paul Haggis (screenplay), Mark Boal (story)  | 1 more credit »

 

  

 

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24/04/2020
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