LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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ANNETTE, take a deep last breath

Poème   Opéra                                                                                         

Leos Carax 

***** 

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Les lumières de la salle s'éteignent.

Le nouveau Carax se délivre.

La salle est plongée dans le noir.

Matrice première du septième art. 

La voix de Leos-narrateur s'élève 

 

" Ladies and gentlemen, we now ask for your complete attention. If you want to sing, laugh, clap, cry, yawn, boo or fart, please, do it in your head, only in your head. You are now kindly requested to keep silent and to hold your breath until the very end of the show. Breathing will not be tolerated during the show. So, please take a deep, last breath right now. "

 

J'ai bien suivi les instructions.

L'écran s'est enflammé et je ne me souviens plus avoir repris mon souffle durant les deux heures vingt d'émerveillement qui ont suivi. Je suis sorti de la salle en état de totale poésie. Bouleversé et le feu aux yeux. Inadaptable à tout vie sociale jusqu'au lendemain.

Dire que j'ai adoré Annette est un doux euphémisme.

L'adaptation flamboyante de la comédie musicale des mythiques glam et psychédéliques Sparks par Carax relève pour moi du pur miracle cinématographique. Le souffle puissant du romantisme le plus sombre parcourt l'oeuvre de bout en bout. De l'éclat des premiers feux de l'amour aux tourments les plus noirs.

 

Le torrent d'amour qui emporte Ann la cantatrice et Henry le stand-up comedian balaye toute concurrence. Après un plan séquence d'ouverture qui signe une magistrale entrée en scène des acteurs autant que des maîtres de musique, le talent de Carax retrouve la pleine fraicheur de ses débuts. La première heure est fulgurante, la seconde fiévreuse et fascinante. Annette est un opéra débordant régulièrement du cadre. Irrigué par la passion, éclairé du pessimisme radical des créateurs aspirant à l'oeuvre absolue.

Ce poème aux ombres mouvantes ne touche jamais le sol et nous emporte sur les ailes du réalisateur-phénix. Leos Carax est plus que de retour. Il s'affirme.

Il a finalement toujours été là et rappelle aux tâcherons et photocopieurs en exercice ce qu'est le cinéma. Le bonheur créatif qui jaillit de chaque séquence est contagieux. L'ivresse pour l'amoureux sachant s'abandonner est totale.

 

 

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Plus encore que dans son fascinant Holy Motors l'explosion esthétique de ce nouvel opus a fait monter en moi le vertige qui m'avait saisi, adolescent, à la découverte sur grand écran de Mauvais Sang.

D'où sortait ce jeune prodige? un génie capable de transformer instantanément Juliette Binoche en étoile, de révéler le magnétique funambule Denis Lavant, de convoquer le fantôme de Cocteau et d'inviter au casting le créateur de Corto Maltese en déroulant avec une grâce infinie une somptueuse parabole sur cette maladie d'amour qui nous condamne à vivre nos vies pour toujours à deux pas du drame dès que notre coeur épouse l'âme soeur.

 

À soixante ans l'ex jeune prodige n'a cédé sur rien.

Son irréductible romantisme noir, sa poésie profonde est à l'abris de toutes les modes et dresse au fil des oeuvres une cathédrale face à la vulgarité et la bêtise crasse qui, dans le flot gras d'une paresse créative généralisée, inondent trop souvent nos petits et grands écrans.

Comment ne pas honorer également le travail de l'immense chef-op Caroline Champetier, capable de donner formes et couleurs aux visions de Carax depuis Tokyo!. Cette grande dame qui a apporté ses lumières aux plus grands noms du cinéma d'auteur depuis les années 80, de Godard à Doillon en passant par Garrel, Jacquot ou Despleschin, illustre ici à merveille la célèbre formule de l'écrivain-poète Gérard de Nerval "Ici a commencé... l'épanchement du songe dans la vie réelle". La texture du rêve habille chaque plan de ce qui est à mes yeux le plus beau film de l'année.

Annette est un choc esthétique.

 

Adam Driver, ange et démon, se livre corps et âme. Il n'est pas vraiment chanteur mais on s'en fout puisque sa voix est sincère. Marion Cotillard, de son regard, stimule l'alchimie de ce couple électrique. Muse et victime de l'appétit du pouvoir et du spectacle elle semble incarner la douleur et la mauvais conscience d'un cinéaste-poète dont le parcours artistique radical et sans concession aura sans doute laissé derrière lui un goût de cendre pour celles et ceux qui ont tenté de l'accompagner de ses éclats jusqu'au plus noir de ses nuits.

Annette bouleverse au plus profond car il s'inscrit comme l'oeuvre la plus intime et sincère de son créateur. Confession d'une passion corrompue dans l'ego et de l'innocence entravée, exploitée. Une supplication adressée à cet infini obscur et silencieux qui nous entoure. Cet écran noir qui signe la fin de toute chose et nous glace autant qu'il nous invite à prendre feu.

 

"I will never sing again, shunning all lights at night. I will never sing again, smashing every lamp I see. I will never sing again, living in full darkness. I will never sing again, a vampire forever! "

 

 

 

Francisco, 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

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2021

 

2h21

 

Le Blu-ray           Après l'éblouissement en salles place à la haute précision. Ce Blu-ray déchire tout. Couleurs, contrastes, détails, de l'ombre à la lumière le "luxe visuel" captive l'oeil  du premier au dernier plan. côté son même si mon installation est minimale l'écoute cristalline de l'ensemble ne laisse aucune un doute sur la qualité du travail. Un top-démo poétique totalement orgasmique !!!  Un disque bonus en rab pour cette édition Fnac. Itv de Cotillard, making of et un cd de la BO des Sparks. So, may we start ?!! 

 

 

  

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16/10/2021
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